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Le Conseil Scientifique Pérenne de la SFE a décidé de mettre à l’honneur certains articles publiés par des équipes francophones dans les grands journaux de la discipline. Ces brèves, rédigées par les auteurs des articles, seront affichées sur la page Recherche du site web de la SFE et diffusées à tous les membres de la Société sous forme d’une Newsletter. Cette opération vise un double objectif. Il s’agit en premier lieu de témoigner de la vitalité de la recherche fondamentale et/ou translationnelle dans les laboratoires de la communauté francophone, et ainsi de contribuer à une juste reconnaissance de notre discipline par les organismes de tutelle. Il s’agit également de resserrer les liens entre la SFE et les endocrinologues fondamentalistes qui, force est de le reconnaître, participent moins activement que les cliniciens aux activités de la Société, notamment aux congrès annuels. Nous espérons que ces brèves vous donneront envie de lire les articles publiés par nos collègues de la communauté francophone dans les meilleurs périodiques d’endocrinologie et qu’elles montreront à leurs auteurs que la SFE peut contribuer à faire connaître leurs travaux.
1- Jérôme Bertherat et Anne Jouinot Un nUnUn nouveau marqueur pronostique pour la prise en charge des corticosurrénalomes
Les corticosurrénalomes sont des cancers rares dont le pronostic, bien que globalement sombre, est très hétérogène et difficile à prédire en pratique. Ces dernières années, les études de génomique ont permis de distinguer des sous-groupes de tumeurs selon leurs altérations moléculaires qui s’associent à des pronostics très différents [1]. Notamment, l’hyperméthylation des îlots CpG sur l’ADN tumoral apparaît comme un facteur de mauvais pronostic [2]. A partir du méthylome, un travail réalisé dans le cadre du réseau français des tumeurs surrénales COMETE et étendu pour validation au réseau européen ENSAT (European Network for the Study of Adrenal Tumors), a permis de développer un marqueur ciblé, mesurant la méthylation de 4 gènes suppresseurs de tumeurs (PAX5, PAX6, PYCARD, GSTP1). Ce marqueur a été validé sur une cohorte multicentrique indépendante de plus de 200 corticosurrénalomes et montre une valeur pronostique forte, indépendante du stade tumoral et du Ki67 [3]. Ce nouveau marqueur peut être utilisé en routine clinique et devrait permettre de mieux guider la prise en charge des patients.
2- Nadine Binart Un regard nouveau sur l’insuffisance ovarienne primaire
L’insuffisance ovarienne primaire dite idiopathique (IOP) est une cause majeure d’aménorrhée et d’infertilité, elle était jusqu’ici considérée comme une maladie monogénique. L’équipe Reproduction (INSERM U1185-Université Paris Sud, Hôpital Bicêtre) a recherché chez 100 patientes des variations génétiques dans 19 gènes connus et candidats potentiels par séquençage nouvelle génération. Des mutations ont été identifiées dans au moins deux gènes chez plusieurs patientes [1]. Cette découverte suggère que l’IOP serait plutôt une affection digénique ou multigénique. Les effets délétères additifs de mutations multiples favoriseraient l’apparition des symptômes de l’IOP plus précocement chez les malades portant plus d’un mutant délétère. Ces résultats suggèrent la possibilité qu’une combinatoire de plusieurs gènes mutés, présente chez une femme IOP mais non chez les apparentés, pourrait expliquer les cas sporadiques. D’autres gènes impliqués dans cette maladie restent à découvrir, ce qui permettra notamment de déterminer, à côté des cas classiques de transmission monogénique de la pathologie, la proportion des cas de transmission oligogénique, une nouvelle approche clinique pour les enquêtes familiales.
3- Raja Brauner Essai thérapeutique par le Diazoxide dans l’obésité majeure avec hyperinsulinisme après traitement de lésions hypothalamo-hypophysaires dans l’enfance
L’obésité est un problème majeur chez certains patients ayant une lésion hypothalamo-hypophysaire (HH). Plusieurs traitements ont été essayés sans efficacité: analogues de la somatostatine, hormone de croissance, dextroamphétamine [1]. La chirurgie bariatrique est controversée chez l’enfant du fait de ses implications médicales, éthiques et légales. Les équipes des Prs Raja Brauner et Jean-Marc Tréluyer ont évalué la tolérance et l’efficacité du Diazoxide (4 mg/kg/j) par un essai comparatif randomisé contre placebo en groupes parallèles chez des patients ayant un surpoids majeur avec hyperinsulinisme survenu après le traitement d’une lésion HH dans l’enfance [2]. Le traitement de 6 mois n’a pas induit de modification significative du poids, malgré la réduction de la sécrétion d’insuline. 3/18 patients ont développé un diabète insulinoprive qui a régressé après l’arrêt du Diazoxide. Les taux plasmatiques de leptine ont diminué significativement, ce qui suggère que l’obésité dans ce cadre n’est pas liée à une anomalie du contrôle de la leptine. Les résultats négatifs de cet essai laissent pour le moment une seule option thérapeutique: dans les lésions qui touchent la région HH, chirurgie limitée épargnant l’hypothalamus suivie d’une irradiation localisée.
4- Sophie Christin-Maitre La première famille avec une resistance aux estrogènes: 2 femmes et 1 homme
Dans l’espèce humaine, le premier cas de résistance aux estrogènes a été décrit en 1994 chez un homme de 28 ans ayant une ostéoporose sévère [1]. Il a fallu attendre presque 20 ans pour que le deuxième cas soit décrit, en 2013, chez une adolescente de 18 ans, avec une aménorrhée primaire et une absence de développement mammaire [2]. Voici la première famille avec une perte de fonction du récepteur des estrogènes, ER? [3]. Dans cette famille algérienne, la patiente index a présenté à l’âge de 19 ans une aménorrhée primaire avec une absence de développement mammaire, alors que son taux d’estradiol était très élevé à 3200 pg/ml (N : 11-120). Ses ovaires étaient augmentés de taille avec de volumineux kystes. Une analyse détaillée des stéroïdes par LC /MSMS a prouvé leur origine ovarienne. La patiente est homozygote pour une mutation située sur le codon 394 du récepteur Er?. Ce récepteur muté exprimé in vitro a une activité transcriptionnelle diminuée d’environ 65 fois par rapport au récepteur sauvage. Plusieurs ligands ont été testés afin d’envisager une solution thérapeutique. La modélisation de ce récepteur muté a montré une altération de la poche du ligand. Une de ses sœurs et un frère sont aussi homozygotes pour la mutation.
5- Muriel Coupaye La corpulence et le phénotype métabolique des adultes ayant un syndrome de Prader Willi dépendent du génotype et du traitement par hormone de croissance dans l’enfance
Il est bien connu que les personnes avec syndrome de Prader Willi (SPW) ont une masse grasse (MG) plus importante que les personnes obèses appariées sur l’IMC, mais l’influence du génotype sur l’adiposité reste débattue. Les chercheurs ont étudié la composition corporelle (DEXA) et le bilan métabolique de 73 adultes avec SPW (âge moyen: 25,5±8,9 ans) en fonction du génotype (délétion, n=47, ou disomie maternelle, n=26) et du traitement antérieur par hormone de croissance (GH), compte tenu de son effet bénéfique persistant à l’âge adulte [1]. L’IMC moyen était supérieur dans le groupe délétion (40,9±11,5 vs. 34,6±9,6 kg/m2, p=0,02), mais il n’y avait pas de différence concernant le pourcentage de MG, la taille adipocytaire, le score d’hyperphagie, et le bilan biologique métabolique entre les 2 groupes. Chez les patients traités par GH dans l’enfance (n=26), l’IMC était similaire entre les 2 groupes (33,0±9,7 vs. 33,5±11,1 kg/m2), le pourcentage de MG et la taille adipocytaire étaient diminués uniquement dans le groupe délétion. La GH prescrite dans l’enfance et l’adolescence chez les personnes avec SPW limite les effets métaboliques délétères du syndrome mais de façon plus importante chez les patients porteurs d’une délétion [2].
6- Nathalie Di Clemente Stop à une idée reçue: l’AMH clivée n’est pas toujours biologiquement active!
L’hormone anti-Müllérienne (AMH) est une protéine synthétisée par les cellules de la granulosa chez la femelle, qui doit être clivée pour être active [1]. La concentration d’AMH sérique est élevée chez les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), une des principales causes d’infertilité chez les femmes en âge de procréer, et on pense que l’AMH pourrait être impliquée dans le défaut de croissance de leurs follicules. Le groupe de Nathalie di Clemente dans l’Equipe Physiologie de l’Axe Gonadotrope à l’Université Paris 7 (U1133, UMR CNRS8251) a montré avec Richard Cate (Boston University) que, dans le liquide folliculaire des femmes SOPK, le pourcentage d’AMH clivée était plus élevé que dans celui de femmes contrôles (24% vs 8%), et que 60% de l’AMH clivée était capable de lier le récepteur de l’AMH [2]. En revanche, dans le serum des femmes et des garçons, bien que plus de 60% de l’AMH soit clivée, moins de 10% lie le récepteur spécifique de l’AMH. Donc, contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, en fonction des fluides biologiques, l’AMH clivée n’est pas toujours biologiquement active.
7- Marie Legendre LHX4 et déficits antéhypophysaires multiples
La protéine LHX4 de la famille des facteurs de transcription à LIM-homéodomaine joue un rôle majeur dans le développement précoce de l’hypophyse [1]. A ce jour, seulement 13 mutations hétérozygotes de LHX4 ont été décrites dans des déficits pituitaires congénitaux. L’étude d’une cohorte de plus de 400 patients par l’équipe « Physiopathologie des maladies génétiques d’expression pédiatrique » (UMR933 Inserm/UPMC, Paris) a révélé 7 nouvelles variations hétérozygotes de ce gène chez des patients présentant un déficit antéhypophysaire associé à une posthypophyse ectopique et/ou une anomalie de la selle turcique [2]. Le caractère délétère de 6 d’entre elles a été démontré, à travers l’étude in vitro de leur localisation subcellulaire, leur capacité de transactivation, ainsi que leur interaction avec des protéines partenaires. Les études familiales ont révélé la pénétrance incomplète associée aux mutations de LHX4. Ce travail a également permis de caractériser LHX3 comme nouveau partenaire protéique de LHX4 et de préciser la fonction des deux domaines LIM.
8- Fabrice Menegaux Le cancer sclérosant diffus de la thyroïde: rare mais grave…
Le cancer sclérosant diffus de la thyroïde (CSDT) est un sous-type de cancer papillaire (CPT). Il a une prévalence de 0.7 à 6% des CPT et répond à des critères histologiques précis. Sept centres spécialisés en chirurgie endocrinienne ont regroupé leurs cas sous l’égide de l’Association Francophone de Chirurgie Endocrinienne (AFCE) et de l’équipe du Pr Fabrice Menegaux (la Pitié): 56 CSDT, dont 46 femmes (82%), d’un âge moyen de 33 ans [1]. Tous les patients ont eu une thyroïdectomie totale avec curage, suivie de 3.7 GBq d’iode 131. Histologiquement, les CSDT avaient des critères de grande agressivité : 82% de pT3, 77% d’extension extrathyroïdienne, 80% de cancers bilatéraux, 96% avec N1 (dont 91% dans le ou les secteurs latéraux). Avec un recul moyen de 4.3 ans, le taux de récidives a été de 34% (19 patients) dans un délai de 26 mois, avec un taux de survie sans récidive de 63% à 7 ans. Ce pronostic était plus péjoratif que celui des autres CPT, mais identique à celui de CPT à risque élevé de récidive (selon l’échelle de risque de l’ATA de 2015). Ce travail permet donc d’affirmer que les CSDT doivent être classés parmi les CPT à haut risque, devant ainsi conduire à une surveillance rapprochée au décours du traitement.
9- Georgios Papadakis Hormonothérapie post-ménopausique et santé osseuse: un bénéfice dual et durable
Le traitement hormonal après la ménopause (THM) est efficace pour la prévention et le traitement de l’ostéoporose [1]. Les diverses études sur la persistance de l’effet du THM après son arrêt ont rapporté des résultats contradictoires. Bien que l’impact positif du THM sur la densité minérale osseuse (DMO) soit démontré, il existe peu de données sur le lien entre THM et microarchitecture osseuse. Une nouvelle étude de l’Université de Lausanne, dirigée par Dr. G. Papadakis, explore OsteoLaus, une large étude-cohorte de 1500 femmes ménopausées [2]. Les femmes sous THM présentent une DMO plus haute sur tous les sites, ainsi qu’une meilleure microarchitecture, indiquée par des valeurs plus hautes de TBS (Trabecular Bone Score). Chez les femmes ayant reçu du THM par le passé, un effet bénéfique persiste pour la DMO de la colonne lombaire et du fémur total, de même que pour le TBS. L’effet résiduel dépend surtout du temps depuis l’arrêt du THM, le point d’inflexion se situant entre 2 et 4 ans. A la lumière des données récentes ne montrant pas de risques du THM chez les femmes récemment ménopausées, cette étude souligne le rôle potentiel du THM pour l’ostéoporose postménopausique.
10- Marie Szymanowski Perspectives des inhibiteurs de la protéine mTOR dans la prise en charge des hyperinsulinismes congénitaux sévères
Les hyperinsulinismes congénitaux (CHI) sont la première cause d’hypoglycémie persistante chez le nourrisson. Les CHI sévères de forme diffuse, résistants au traitement par diazoxide et octréotide, nécessitent souvent une nutrition entérale continue, voire une pancréatectomie subtotale, cette dernière se compliquant d’un diabète insulino-dépendant. Les inhibiteurs de la protéine mTOR (mammalian target of rapamycine) ont été récemment proposés pour un traitement médical conservateur des patients avec CHI sévères [1]. L’équipe de néonatalogie du CHU Estaing à Clermont-Ferrand rapporte une série observationnelle de l’efficacité et de la tolérance du traitement par inhibiteurs mTOR chez 10 enfants avec CHI sévères, suivis en France (6/10) et en Angleterre (4/10), traités par sirolimus ou évérolimus [2]. Les inhibiteurs mTOR ont montré une efficacité chez 3/10 enfants permettant d’augmenter significativement le temps de jeûne sans récurrence des hypoglycémies. Les effets secondaires observés ont été: une hypertriglycéridémie modérée (5/10), une stomatite (4/10), une diarrhée (3/10), un sepsis (2/10), et une anémie profonde (1/10). L’efficacité des inhibiteurs mTOR est aléatoire et des effets indésirables modérés à sévères ont été observés chez les plus jeunes enfants de la série. L’utilisation des inhibiteurs mTOR doit être limitée au CHI de forme diffuse après échec des médicaments de référence, et réalisée sous stricte surveillance médicale.