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Item 253 – Obésité de l’adulte

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Situations de départ

  • 25 Hypersudation.
  • 26 Anomalies de la croissance staturo-pondérale.
  • 33 Difficulté à procréer.
  • 41 Gynécomastie.
  • 42 Hypertension artérielle.
  • 51 Obésité et surpoids.
  • 57 Prise de poids.
  • 63 Troubles sexuels et troubles de l’érection.
  • 94 Troubles du cycle menstruel.
  • 156 Ronflements.
  • 164 Anomalie de l’examen clinique mammaire.
  • 194 Analyse du bilan thyroïdien.
  • 195 Analyse du bilan lipidique.
  • 208 Hyperglycémie.
  • 252 Prescription d’un hypolipémiant.
  • 257 Prescrire une contraception et contraception d’urgence.
  • 266 Consultation de suivi d’un patient polymédiqué.
  • 279 Consultation de suivi d’une pathologie chronique.
  • 281 Prescription médicamenteuse, consultation de suivi et éducation d’un patient diabétique de type 2 ou ayant un diabète secondaire.
  • 282 Prescription médicamenteuse, consultation de suivi et éducation d’un patient hypertendu.
  • 285 Consultation de suivi et éducation thérapeutique d’un patient avec un antécédent cardiovasculaire.
  • 304 Dépistage du diabète gestationnel chez une femme enceinte.
  • 320 Prévention des maladies cardiovasculaires.
  • 328 Annonce d’une maladie chronique.
  • 352 Expliquer un traitement au patient (adulte, enfant, adolescent).
  • 354 Évaluation de l’observance thérapeutique.

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Hiérarchisation des connaissances

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Rang Rubrique Intitulé Descriptif
B Prévalence Connaître l’épidémiologie de l’obésité et ses enjeux
A Définition Connaître la définition de l’obésité et de ses différents grades Différences en fonction de l’âge
B Éléments physiopathologiques Connaître l’évolution naturelle de l’obésité Connaître l’influence négative de la restriction cognitive sur la perte de poids à long terme, connaître l’influence de la distribution corporelle de la masse grasse sur la perte de poids
B Diagnostic positif Connaître les signes en faveur d’un rebond d’adiposité précoce chez l’enfant Savoir suivre et analyser la courbe de corpulence sur le carnet de santé
A Diagnostic positif Connaître les principes de l’examen physique d’un sujet obèse Savoir mesurer le tour de taille
B Diagnostic positif Savoir rechercher et reconnaître des signes cliniques d’orientation vers une obésité « secondaire » Connaître les éléments qui doivent faire évoquer une obésité secondaire, connaître les examens complémentaires à réaliser en cas de suspicion d’obésité secondaire
A Diagnostic positif Savoir diagnostiquer les complications de l’obésité chez l’adulte et l’enfant Connaître les principaux examens complémentaires lors de la prise en charge initiale d’un sujet obèse, critères diagnostiques du syndrome métabolique, mesure du tour de taille, définition et dépistage du syndrome d’apnées du sommeil, définition du syndrome d’hypoventilation alvéolaire, savoir évaluer le retentissement global de l’obésité (médical, fonctionnel dont l’épiphysiolyse de la tête fémorale chez l’enfant, psychologique)
A Étiologie Savoir identifier les circonstances et éléments à l’origine de l’excès pondéral chez l’adulte Connaître les facteurs favorisant la prise de poids, savoir faire le lien entre histoire pondérale et événements de vie, être capable d’évaluer la situation sociale, familiale, financière et éducative, savoir rechercher les antécédents familiaux d’obésité
B Étiologie Savoir identifier les circonstances et éléments à l’origine de l’excès pondéral chez l’enfant Savoir quels éléments évaluer devant un rebond d’adiposité précoce, savoir diagnostiquer les éléments favorisant l’excès pondéral chez l’enfant, savoir évoquer une obésité génétique
A Diagnostic positif Connaître les principes de l’évaluation des habitudes alimentaires
A Prise en charge Connaître la stratégie et les objectifs de prise en charge de l’obésité chez l’adulte et l’enfant
B Prise en charge Connaître les indications et contre-indications de la chirurgie bariatrique Connaître les principes de cette chirurgie et leurs effets

 

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Obésité de l’adulte

  1. Définitions
  2. Épidémiologie
  3. Physiopathologie
  4. Évaluation du sujet obèse
  5. Complications de l’obésité
  6. Prise en charge thérapeutique

 

I Définitions

L’obésité est la maladie de la nutrition la plus fréquente au monde. Il s’agit d’une maladie chronique, évolutive, sans tendance spontanée à la guérison et d’origine multifactorielle. Elle présente une large hétérogénéité phénotypique. L’obésité est définie comme une maladie car elle affecte le bien-être physique, social et psychologique d’un individu.

L’obésité correspond à « un excès de masse grasse entraînant des conséquences néfastes pour la santé » (OMS). Chez l’adulte jeune en bonne santé, la masse grasse corporelle représente 10 à 15 % du poids chez l’homme et 20 à 25 % chez la femme. La masse grasse est difficile à mesurer en routine clinique. Pour évaluer la corpulence, on utilise un index corrélé à la masse grasse, l’indice de masse corporelle (IMC), ou indice de Quételet, correspondant au rapport du poids (en kilogrammes) sur le carré de la taille (en mètre) (IMC = P/T2 en kg/m2).:

L’IMC a l’avantage d’être simple pour la pratique clinique et de refléter correctement l’importance de la masse grasse à l’échelle d’une population. Toutefois, à l’échelle individuelle, cet index à des limites à connaître, puisqu’il ne prend pas en compte des facteurs influençant significativement la composition corporelle tels que le sexe, l’âge ou encore l’ethnie. Ainsi, pour un même IMC, la masse grasse sera plus importante pour la femme que pour l’homme, pour le sujet âgé que pour le sujet jeune ou encore pour le sujet asiatique en comparaison au sujet caucasien.

Si l’IMC n’est qu’une estimation de la masse grasse, certaines techniques, non utilisées en routine clinique, permettent de mesurer la composition corporelle : la bio-impédancemétrie, l’absorptiométrie biphotonique aux rayons X (DEXA), la mesure des plis cutanés, la pléthysmographie, la pesée hydrostatique ou encore la technique de l’eau lourde.

Chez l’adulte, on considère actuellement (tableau 1) que :

  • l’intervalle d’IMC associé au moindre risque pour la santé est situé entre 18,5 et 24,9 kg/m2 ;
  • le surpoids correspond un IMC compris entre 25 et 29,9 kg/m2 ;
  • l’obésité se définit par un IMC ≥ 30 kg/m2.

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Tableau 1.

Classification de la corpulence des adultes en fonction de l’IMC. (Source : CEEDMM, 2021.)

IMC (kg/m2)
Surpoids 25,0–29,9
Obésité

 

Modérée (Grade 1) 30,0–34,9
Sévère (Grade 2) 35,0–39,9
Morbide (Grade 3) ≥ 40

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La définition de l’obésité avec l’IMC ne tient pas compte de la répartition du tissu adipeux dont dépend, en partie, le risque de complications associées à l’obésité. Ainsi, la répartition faciotronculaire de l’excès de masse grasse, appelée obésité androïde, que l’on identifie par une valeur élevée du tour de taille ou du rapport tour de taille/tour de hanches et traduisant l’accumulation de masse grasse au niveau viscéral, est associée à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire et de la prévalence des maladies métaboliques par rapport à l’obésité gynoïde dont la répartition de la masse grasse prédomine au niveau sous-cutané (fig. 1, encadré).

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Encadré – Phénotypes d’obésité

L’obésité a une expression phénotypique large. On peut isoler certaines situations particulières.

Obésité androïde versus obésité gynoïde

Il s’agit de différencier la localisation de l’excès de masse grasse : une répartition faciotronculaire, androïde, est associée à une localisation viscérale et non sous-cutanée de la masse grasse, associée à une insulinorésistance et un surrisque cardiovasculaire.

Obésité sarcopénique

À l’excès de masse grasse s’associe un défaut de masse musculaire. Cette forme d’obésité est particulièrement prévalente chez le sujet âgé de plus de 65 ans et de pronostic plus péjoratif.

Obésité métaboliquement saine

Environ 20 % des obésités ne s’accompagnent pas d’un surrisque métabolique (syndrome métabolique, diabète de type 2, HTA, surrisque cardiovasculaire).

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Fig. 1.

Obésité androïde (gauche) versus obésité gynoïde (droite).

(Source : CEEDMM, 2021.)

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Si l’importance de l’obésité peut être déterminée par l’IMC (obésités modérée, sévère ou morbide), la sévérité de l’obésité dépend quant à elle de son retentissement (médical, fonctionnel et psychosocial).

 

II Épidémiologie

À l’échelle mondiale, 39 % des adultes âgés de 18 ans et plus étaient en surpoids en 2016 et 13 % étaient obèses. La plupart de la population mondiale vit dans des pays où le surpoids et l’obésité font davantage de morts que l’insuffisance pondérale.

En France, les études épidémiologiques ont montré une progression de la prévalence de l’obésité qui est passée de 8,5 % de la population en 1997 à 15 % en 2012 (études OBEPI). D’après l’étude épidémiologique française la plus récente, ESTEBAN 2015, la prévalence de l’obésité en France est de 17 % de la population générale adulte, identique chez les hommes et les femmes. Elle est stabilisée depuis une dizaine d’années, y compris chez l’enfant, après plusieurs décennies de constante augmentation. L’obésité de grades 2 et 3 représente actuellement environ 5 % de la population.

L’obésité concerne inégalement les classes socioprofessionnelles, sa prévalence est supérieure chez les personnes les moins diplômées et aux revenus les plus faibles. Les régions françaises aussi sont inégalement touchées. En effet, même si toutes ont enregistré une hausse du surpoids et de l’obésité, l’Est et le Nord de la France métropolitaine ainsi que les régions d’outre-mer sont nettement plus concernés.

 

III Physiopathologie et histoire naturelle

A Physiopathologie : régulation de la balance énergétique

La constitution de l’obésité résulte d’un déséquilibre, sur une période donnée, de la balance énergétique entre les apports et les dépenses d’énergie. Cette balance d’énergie est normalement régulée, permettant chez l’adulte de maintenir des réserves énergétiques stables au cours du temps, condition de sa survie. L’augmentation de la corpulence s’accompagne d’une augmentation de la dépense d’énergie et donc des besoins énergétiques. Les difficultés constatées pour un sujet obèse à maintenir une perte de poids volontaire montrent que nos systèmes de régulation sont avant tout compétents pour limiter la déperdition de notre stock énergétique.

La régulation énergétique est contrôlée au niveau central, principalement au sein de l’hypothalamus, siège du contrôle des principales fonctions végétatives de l’organisme. L’hypothalamus intègre les informations provenant de la périphérie sur l’état des réserves d’énergie afin d’activer une voie neuronale stimulant la prise alimentaire (voie NPY-orexines) ou une voie stimulant la satiété (voie POMC-αMSH-MC4R, dite voie des mélanocortines) (fig. 2). Ces messages périphériques, qui vont contrôler la prise alimentaire, sont soit externes (facteurs cognitifs, culturels ou psychoaffectifs), soit internes (facteurs nutritionnels ou hormonaux). Les principales hormones du contrôle de la prise alimentaires sont la ghréline, unique hormone orexigène, synthétisée par l’estomac en situation de jeûne, et, en ce qui concerne les hormones satiétogènes : la leptine, synthétisée par le tissu adipeux, l’insuline par le pancréas, le GLP-1, le PYY, la cholécystokinine, synthétisés par le tube digestif.

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Fig. 2.

Principaux acteurs de la régulation hypothalamique de la prise alimentaire.

ARC, noyau arqué hypothalamique ; HL, hypothalamus latéral ; NPV, noyau paraventriculaire ; NPY, neuropeptide Y ; POMC, pro-opio-mélanocortine ; αMSH, α-MelanoStimulating Hormone ; MC4R, récepteur de type 4 aux mélanocortines ; CRF, corticolibérine ; TRH Thyrotropin-Releasing Hormone.

(Source : CEEDMM, 2021.)

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À côté de cette régulation hypothalamique de la prise alimentaire, le système cérébral de la récompense, localisé au niveau du mésolimbe et impliquant comme neuromédiateurs la dopamine, les opiacés et les endocannabinoïdes, joue également un rôle clé dans le contrôle de notre prise alimentaire.

Les systèmes hypothalamique et mésolimbique du contrôle de la prise alimentaire travaillent de manière synergique avec pour objectif principal de limiter la déperdition de nos réserves d’énergie.

B Histoire naturelle

L’obésité est une maladie évolutive, sans tendance spontanée à la guérison, qui suit un processus dynamique s’étalant sur plusieurs années. Après une phase de constitution caractérisée par un déséquilibre entre les apports et les dépenses énergétiques de l’organisme, il est habituellement observé une phase d’aggravation avec une augmentation progressive du tissu adipeux et du poids. Le fonctionnement du tissu adipeux s’altère avec notamment une modification du profil sécrétoire en adipokines (cytokines produites par les adipocytes), l’apparition en son sein d’une inflammation et d’une fibrose modifiant durablement son architecture. Les complications de l’obésité se développent alors, notamment son retentissement métabolique. Après quelques années, il est observé une phase de stabilisation de l’IMC, appelé plateau pondéral, alors que la progression des complications de l’obésité se poursuit (maladies cardiovasculaires, néoplasies, etc.) (fig. 3).

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Fig. 3.

Histoire naturelle de l’obésité (trajectoire pondérale et complications).

(Source : CEEDMM, 2021, d’après : Pr A. Basdevant.)

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IV Étiologie

Les origines de l’obésité sont multiples et l’identification des facteurs impliqués dans son développement et son installation est loin d’être achevée. On considère toutefois que les évolutions de notre environnement (disponibilité alimentaire, sédentarisation, polluants entre autres) et notre patrimoine génétique (génome, épigénome et métagénome intestinal) sont des déterminants forts de l’augmentation du risque d’obésité. La contribution des facteurs environnementaux est forte dans l’obésité dite « commune », représentant une très large majorité des cas, alors que la contribution de la génétique est dominante pour les rares formes d’obésités monogéniques ou syndromiques.

A Obésités génétiques

Les obésités d’origine génétique sont rares voire exceptionnelles ; elles regroupent les obésités monogéniques (mutations sur la voie leptine-mélanocortines) et les obésités syndromiques telles qu’observées dans le syndrome de Prader-Willi. Ces formes d’obésité sont habituellement dépistées dans l’enfance, mais il faut savoir envisager une obésité génétique chez un sujet adulte lorsque l’obésité est très sévère, qu’elle a débuté très précocement (dans les 24 premiers mois de vie), qu’elle a été associée à des troubles du comportement et plus particulièrement à des troubles du comportement alimentaire à type de compulsions, à un retard des acquisitions ou à un syndrome dysmorphique. Dans ces contextes, une consultation avec un généticien clinicien peut prendre tout son intérêt afin d’orienter les recherches.

B Obésité commune

Elle représente la très grande majorité des formes d’obésité et la contribution des facteurs environnementaux est prédominante.

1 Rôle de l’apport calorique

Les changements dans le mode d’alimentation au cours des dernières décennies ont contribué au développement de l’obésité. Ce sont, en particulier, l’accès facile à une nourriture bon marché, palatable et énergétiquement dense. D’autres éléments comme l’augmentation de la taille des portions, la moindre fréquence des repas partagés en famille sont aussi impliqués.

2 Rôle de la sédentarité

Ces changements de mode de vie des dernières décennies se caractérisent également par une augmentation du temps de sédentarité (temps d’écran, temps assis) et une diminution de notre activité physique (modes de transport non actifs, activités professionnelles peu actives).

La combinaison de ces facteurs a contribué à l’accélération de l’incidence de l’obésité à l’échelle de la planète.

Il est toutefois nécessaire, face à une obésité commune, d’identifier des facteurs supplémentaires favorisant la prise de poids et le développement de l’obésité.

Les principaux facteurs favorisant la prise de poids sont résumés dans le tableau 2.

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Tableau 2.

Facteurs favorisant la prise de poids. (Source : CEEDMM, 2021.)

– Apports énergétiques excessifs (alimentation trop riche, trop dense en calories, boissons sucrées, grande taille des portions)

– Sédentarité

– Arrêt ou réduction de l’activité physique et sportive

– Arrêt du tabac non accompagné de mesures adaptées

– Consommation d’alcool

– Prise de certains médicaments (parmi lesquels des neuroleptiques, des antidépresseurs, des régulateurs de l’humeur, des antiépileptiques, les corticoïdes)

– Facteurs génétiques et antécédents familiaux d’obésité

– Antécédents d’obésité dans l’enfance

– Grossesse

– Ménopause

– Troubles du comportement alimentaire (impulsivité alimentaire, compulsions alimentaires, hyperphagie boulimique)

– Troubles anxiodépressifs et périodes de vulnérabilité psychologique ou sociale

– Facteurs professionnels (parmi lesquels stress au travail, travail posté)

– Diminution du temps de sommeil

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3 Facteurs iatrogènes

Un certain nombre de médicaments peuvent entraîner une prise de poids et participer à l’apparition d’une obésité. Parmi ceux-ci, on retrouve en particulier des psychotropes : les antipsychotiques atypiques (clozapine, olanzapine, quétiapine, rispéridone), certains antidépresseurs ou régulateurs de l’humeur, ainsi que des antiépileptiques (carbamazépine, gabapentine, acide valproïque). Les glucocorticoïdes sont aussi associés à des prises pondérales.

4 Arrêt du tabac

L’arrêt du tabac est très fréquemment associé à une prise de poids. Cet effet est en partie dû au sevrage en nicotine qui est associé à une augmentation de la prise alimentaire et à une diminution de la dépense énergétique. La prise de poids est en moyenne de 4 à 5 kg mais peut être beaucoup plus importante.

5 Autres facteurs

La privation de sommeil, le stress, certains virus, la composition de la flore intestinale, l’exposition à des polluants de l’environnement sont autant de facteurs également incriminés comme déterminants potentiels de l’obésité.

Des expositions et des événements précoces ont manifestement leur importance, y compris ceux qui surviennent avant la naissance, voire avant la gestation.

C Obésités secondaires

1 Obésité d’origine endocrinienne

L’hypercortisolisme n’est qu’exceptionnellement une cause d’obésité secondaire. Il s’agit alors d’une obésité caractérisée par sa répartition faciotronculaire, s’accompagnant des autres signes cliniques du syndrome de Cushing (amyotrophie des racines des membres, « bosse de bison », signes cataboliques cutanés). Les vergetures rosées sont fréquentes chez les patients obèses qui ont des variations de poids rapides, mais ne doivent pas conduire à rechercher un hypercortisolisme. En l’absence de signes cliniques en faveur d’une maladie de Cushing, il n’y a pas d’indication à faire un dosage systématique de cortisol libre urinaire des 24 heures.

L’hypothyroïdie n’est associée qu’à un gain de poids très modeste. En l’absence de signes cliniques en faveur d’une hypothyroïdie, il n’y a pas d’indication à faire un dosage systématique de TSH.

2 Obésités hypothalamiques

Les lésions de la région hypothalamique, qu’elles soient tumorales (craniopharyngiome, méningiomes, métastases), infiltratives (histiocytose, sarcoïdose) ou iatrogènes (chirurgie, radiothérapie), peuvent être à l’origine de formes rares d’obésité par destruction des régions cérébrales contrôlant la prise alimentaire et la dépense d’énergie.

 

V Évaluation du sujet obèse

A Entretien initial

1 Demande du patient

Il convient d’interroger le patient sur son attente vis-à-vis de la prise en charge de l’obésité, sa perception de l’excès de poids, son vécu et sa motivation au changement. L’évaluation de la motivation aux changements de comportements permet de situer le stade motivationnel du patient et de faire une proposition thérapeutique adaptée à celui-ci, d’identifier les priorités du patient ainsi que les freins et leviers du changement.

2 Histoire pondérale

Il convient de retracer l’histoire pondérale afin de savoir où se situe le patient dans la trajectoire de sa pathologie et apporter des propositions de prise en charge thérapeutique adaptée :

  • âge de début de la prise de poids (enfance, adolescence, âge adulte) ;
  • circonstances déclenchantes ;
  • à l’âge adulte : poids minimal, poids maximal ;
  • variations récentes du poids (gain ? perte ? depuis quand ? de combien ? pourquoi ?) ;
  • régimes suivis, actuellement, dans le passé, avec les modalités d’encadrement ;
  • nombre et amplitude des rechutes et des récidives de prise de poids et leur contexte ;
  • poids de forme, poids où le patient se sent bien, poids maximal.
3 Rechercher des facteurs favorisant la prise de poids (cf. tableau 2)

Il est nécessaire d’évaluer les habitudes alimentaires pour estimer les apports énergétiques et d’évaluer l’activité physique pour estimer la dépense énergétique.

4 Évaluer les habitudes alimentaires
  • Répartition des prises alimentaires et rythme : nombre de prises alimentaires (repas, collations), recherche de prise alimentaire nocturne.
  • Circonstances des prises alimentaires : heures habituelles et comment (debout/assis, seul/en compagnie, au restaurant, vite/en prenant le temps de manger).
  • Estimation des volumes ingérés, de la tendance à se resservir.
  • Identification de profils de consommation :
    • forte consommation d’aliments à forte densité énergétique riches en lipides (par exemple : fritures, frites, chips, beignets, etc., pâtisseries, glaces, viennoiseries) ou riches en sucres (par exemple : confiseries) ;
    • forte consommation de matières grasses d’ajout (beurre, mayonnaise, matières grasses de cuisson) ;
    • forte consommation de boissons sucrées (sodas, jus de fruits, spécialités laitières, boissons énergisantes), de boissons alcoolisées ;
    • évaluation des consommations d’aliments à faible densité énergétique (fruits, légumes).
5 Analyse sémiologique du comportement alimentaire
  • Analyse des sensations qui accompagnent le début de la prise alimentaire : sensation de faim, envie de manger, besoin irrépressible de manger.
  • Recherche d’une hyperphagie prandiale et des éléments en sa faveur : tachyphagie estimée par la durée des repas et dépassement du rassasiement (disparition de la sensation de faim).
  • Recherche de prises alimentaires extra-prandiales et caractérisation (impulsivité, fréquence, horaires, contexte) :
    • grignotages : consommation en petites quantités d’aliments « plaisir » dans un contexte d’ennui ;
    • compulsions (craving) : envie irrépressible de manger, en l’absence de sensation de faim, sans perte de contrôle au cours de l’acte : choix d’aliments plaisants et consommés sans frénésie et en quantités limitées ;
    • hyperphagie boulimique(binge eating) : envie irrépressible de manger en l’absence de sensation de faim avec perte de contrôle au cours de l’acte : consommation des aliments avec avidité et/ou en grande quantité et/ou absence de sélection des aliments plaisants.
  • Recherche d’une restriction cognitive : limitation volontaire des apports alimentaires avec possibles privations, dans le but de contrôler son poids.
6 Évaluer l’activité physique
  • Profession principale, horaires normaux ou décalés, intensité approximative de l’activité physique professionnelle (faible, modérée, élevée).
  • Activités domestiques réalisées à domicile, intensité approximative de l’activité domestique (faible, modérée, élevée).
  • Activités de loisirs et activités sportives actuelles et antérieures, en identifiant l’activité de marche au cours des loisirs, intensité approximative (faible, modérée, élevée), durée de chaque session, fréquence de pratique.
7 Évaluer les occupations sédentaires
  • Temps passé devant un écran (télévision, vidéo, ordinateur) (heures par jour).
  • Temps passé en position assise (heures par jour).
8 Évaluer la situation sociale, familiale, professionnelle, éducative et financière

Évaluer la situation sociale, familiale, professionnelle, éducative et financière

9 Rechercher les retentissements actuels de l’obésité

Cf. infra « Complications de l’obésité ».

 

B Examen physique

Il comprend :

  • une évaluation de l’obésité (statut pondéral, répartition du tissu adipeux) ;
  • la mesure du poids, de la taille et le calcul de l’IMC pour estimer la masse grasse ;
  • la mesure du tour de taille avec un ruban permettant d’apprécier l’importance du tissu adipeux viscéral. À partir d’un IMC supérieur à 35 kg/m2 ou plus, la mesure du tour de taille est difficile et peu informative ;
  • l’appréciation globale de la répartition de la masse grasse permettant de différencier l’obésité androïde et l’obésité gynoïde ;
  • la recherche de signes évocateurs d’une obésité secondaire : l’examen clinique permettra également de rechercher des signes évocateurs d’une obésité endocrinienne ou secondaire :
    • recherche de signes d’hypothyroïdie ;
    • recherche de signes d’hypercortisolisme dont seuls les signes spécifiques doivent conduire à rechercher un syndrome de Cushing ;
    • recherche d’un syndrome tumoral hypothalamo-hypophysaire, d’une insuffisance antéhypophysaire ou d’un syndrome sécrétoire hypophysaire pouvant faire évoquer une obésité hypothalamique ;
  • la recherche de signes cliniques évocateurs de complications somatiques de l’obésité.

 

C Examens complémentaires

1 Systématiques
  • Glycémie à jeun.
  • Exploration d’une anomalie lipidique.
  • Transaminases et γGT.
  • Uricémie.
  • Ionogramme sanguin, créatinine.
  • NFS.
  • ECG de repos.
2 En fonction du contexte

Bilan des complications

  • Somnographie nocturne, EFR et gaz du sang.
  • Échocardiographie transthoracique, ECG d’effort.
  • Échographie hépatique.
  • Radiographies osseuses, articulaires.

Bilan étiologique

  • Cortisol libre urinaire des 24 heures ou freinage minute si signes spécifiques d’hypercortisolisme.
  • TSH si suspicion d’hypothyroïdie.
  • IRM hypophysaire et bilan endocrinologique hypophysaire, uniquement face à une forte suspicion d’obésité secondaire hypothalamo-hypophysaire (exceptionnelle).

 

VI Complications de l’obésité

L’obésité est associée à une augmentation du risque de mortalité. La relation entre corpulence et taux de mortalité décrit une courbe en « J » (fig. 4). Actuellement l’obésité est devenue la première cause de mortalité prématurée aux États-Unis devant le diabète et le tabagisme.

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Fig. 4.

Relation entre IMC et mortalité.

(Source : CEEDMM, 2021, d’après Bray, 1985.)

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Les principales complications de l’obésité sont rapportées dans le tableau 3. Sur le plan physique, l’obésité affecte particulièrement le risque cardiovasculaire en favorisant l’apparition de maladies métaboliques telles que le diabète de type 2, la dyslipidémie, l’hypertension artérielle, le syndrome d’apnées du sommeil, la stéato-hépatite dysmétabolique. Ce surrisque est présent particulièrement lorsque l’excès de masse grasse est localisé au niveau viscéral, correspondant à une obésité de répartition androïde, ce qui est associé à une insulinorésistance et une inflammation systémique de bas grade. Le pronostic des patients est également affecté par les complications mécaniques, notamment ostéoarticulaires et respiratoires pouvant conduire à un handicap et une perte d’autonomie et par le surrisque de survenue de cancers. Sur le plan psychosocial, l’obésité est stigmatisée dans les sociétés industrialisées et génère une discrimination ressentie dans tous les aspects de la vie sociale par les sujets en obésité, par exemple à l’embauche.

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Tableau 3.

Principales complications de l’obésité. (Source : CEEDMM, 2021.)

Métaboliques – Insulinorésistance et syndrome métabolique

– Diabète de type 2

– Dyslipidémie (hypertriglycéridémie, hypoHDLémie)

– Hyperuricémie et goutte

– Stéatose hépatique et stéato-hépatite (NASH)

Cardiovasculaires – Hypertension artérielle

– Coronaropathie

– Accidents vasculaires cérébraux

– Insuffisance cardiaque

– Thrombose veineuse

– Insuffisance veineuse

Respiratoires – Syndrome d’apnées du sommeil

– Syndrome d’hypoventilation alvéolaire

– Insuffisance respiratoire

– Aggravation de l’asthme

Ostéoarticulaires – Gonarthrose

– Coxarthrose

– Lombalgies

Digestives – Lithiases biliaires

– Hernie hiatale

– Reflux gastro-œsophagien

Rénales – Hyalinose segmentaire et focale

– Protéinurie

Gynécologiques – Syndrome des ovaires polykystiques

– Hypogonadisme (homme)

– Troubles de la fertilité

– Diabète gestationnel

– Complications obstétricales

Cutanées – Hypersudation

– Mycoses des grands plis

– Lymphœdème

Neurologiques – Hypertension intracrânienne
Néoplasiques – Augmentation du risque de cancers notamment de la prostate, du rein, du côlon, du sein, de l’endomètre
Psychosociales – Dépression

– Discrimination

– Diminution de la qualité de vie

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VII Prise en charge thérapeutique

L’obésité est une maladie chronique multifactorielle. Les traitements actuels ne se focalisent plus sur la seule perte de poids mais sur une approche thérapeutique multidisciplinaire intégrant médecins endocrinologues-nutritionnistes, psychiatres, gastro-entérologues, chirurgiens et différentes professions paramédicales (diététiciennes, enseignant en activité physique adaptée [APA], psychologue, etc.), afin d’établir des stratégies thérapeutiques adaptées à chaque patient. Dans tous les cas, le médecin spécialiste de l’obésité coordonne avec le médecin traitant les différents aspects et les modalités de suivi de cette prise en charge.

Il faut souligner l’intérêt de la perte de poids même modeste chez des personnes ayant une obésité pour réduire les comorbidités associées. En particulier, une perte de poids de 5 % à 10 %, maintenue :

  • améliore le profil glucidique et lipidique ;
  • diminue le risque d’apparition du diabète de type 2 ;
  • réduit le handicap lié à l’arthrose ;
  • réduit la mortalité toutes causes confondues, la mortalité par cancer et la mortalité par diabète dans certains groupes de patients ;
  • diminue la pression sanguine ;
  • améliore les capacités respiratoires des patients avec ou sans asthme.

Dans certains cas, éviter l’aggravation de l’obésité est déjà un objectif raisonnable dans cette maladie qui a une tendance spontanée à l’aggravation.

Si la majorité des patients porteurs d’une obésité relèvent d’une prise en charge de premier recours coordonnée par leur médecin traitant, les patients porteurs d’obésités sévères et complexes ou en échec de prise en charge peuvent nécessiter de faire appel à d’autres professionnels (diététicien ou médecin spécialisé en endocrinologie-nutrition, psychologue et/ou psychiatre, professionnels en activités physiques adaptées). Pour les patients les plus complexes, l’orientation vers un centre spécialisé de l’obésité, correspondant au niveau 3 de la prise en charge, se justifie.

A Principes

La prise en charge de l’obésité suit les principes de la prise en charge d’une pathologie chronique. La construction avec le patient d’un plan de soins personnalisé dans le cadre d’une alliance thérapeutique est l’objectif principal. La prise en charge de l’obésité est fondée sur les principes de l’éducation thérapeutique du patient. Il est recommandé au médecin d’éviter tout discours culpabilisant qui ferait de la personne en excès pondéral la seule responsable de son poids.

B Éducation thérapeutique

Il est recommandé d’établir avec le patient un parcours de soins personnalisé ou de proposer au patient d’entrer dans un programme d’ETP.

Un tel programme d’ETP est fondé sur :

  • une analyse des besoins et des attentes du patient (élaboration du diagnostic éducatif) ;
  • la définition d’un programme personnalisé comprenant les compétences les plus utiles à acquérir et les priorités d’apprentissage ;
  • la planification et la mise en œuvre de séances d’éducation thérapeutique individuelles ou collectives (ou en alternance) ;
  • l’évaluation des compétences acquises et du déroulement du programme.

Ce programme a pour objectif d’aider le patient à acquérir des compétences visant notamment à :

  • modifier ses habitudes et son comportement alimentaire dans la perspective de stabiliser puis de perdre du poids ;
  • planifier un programme d’activité physique.

C Objectifs thérapeutiques

Pour les patients ayant une obésité, il est recommandé d’avoir pour objectif une perte pondérale de 5 % à 15 % par rapport au poids initial et de prendre en charge les comorbidités associées.

Il est recommandé d’établir avec le patient des objectifs de réduction pondérale réalistes (avec en moyenne une perte de poids de 1 à 2 kg par mois), en définissant des moyens adaptés dans le cadre d’un contrat thérapeutique.

Il est recommandé de ne pas faire maigrir systématiquement un sujet âgé ayant une obésité, mais il faut tenir compte du retentissement de l’excès de poids sur la qualité de vie.

Par ailleurs, dans le cadre de certaines pathologies chroniques comme l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale sévère, les études épidémiologiques nous apprennent que l’obésité modérée s’accompagne d’une moindre mortalité par rapport à un IMC considéré comme normal. Les mécanismes en cause restent incertains.

D Conseils alimentaires

Le conseil nutritionnel vise à diminuer la ration énergétique en orientant le patient vers une alimentation de densité énergétique moindre et/ou un contrôle de la taille des portions.

Le médecin doit chercher à corriger un excès d’apports énergétiques et aider le patient à trouver un équilibre alimentaire à travers des modifications durables de ses habitudes alimentaires.

Le médecin doit proposer des mesures personnalisées et adaptées au contexte et permettant au patient de retrouver une alimentation équilibrée et diversifiée (ne pas sauter de repas, contrôler les portions, ne pas se resservir, prendre le temps de manger, éviter le grignotage, diversifier les repas, etc. ; tableau 4). Il n’y a pas de prescription diététique standard à proposer.

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Tableau 4.

Exemples de conseils alimentaires à proposer en situation d’obésité. (Source : CEEDMM, 2021.)

– Limiter la consommation des aliments à forte densité énergétique, riches en lipides ou en sucres, et les boissons sucrées ou alcoolisées

– Choisir des aliments de faible densité énergétique (fruits, légumes), boire de l’eau

– Contrôler la taille des portions

– Diversifier les choix alimentaires en mangeant de tout (ne pas éliminer les aliments préférés mais en manger modérément)

– Manger suffisamment et lentement à l’occasion des repas, manger assis installé à une table

– Structurer les prises alimentaires en repas et en collations en fonction des nécessités du mode de vie du sujet (en général, trois repas principaux et une collation éventuelle)

– Ne pas sauter de repas pour éviter les grignotages entre les repas favorisés par la faim

– Rassurer le patient quant à son droit au plaisir de manger, la convivialité des repas est souhaitable

– Apprendre à lire les étiquettes d’information sur les emballages

– Se consacrer au repas, être attentif à son assiette

– Prêter attention aux sensations perçues lorsqu’on mange

– Cuisiner si possible soi-même ou indiquer clairement les consignes à la personne qui cuisine

– Proposer la même alimentation pour toute la famille (seules les quantités vont varier)

– Limiter l’utilisation de matière grasse pour la cuisson

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Il est important de reconnaître et de lever les tabous alimentaires, les fausses croyances, les sources de frustration et de désinhibition. Il n’y a pas d’interdits alimentaires.

Les régimes très basses calories (moins de 1 200 kcal par jour) ne sont pas indiqués sauf cas exceptionnels. Ils doivent être supervisés par un médecin spécialisé en nutrition.

Il est recommandé d’informer le patient que la recherche de perte de poids sans indication médicale formelle comporte des risques, en particulier lorsqu’il est fait appel à des pratiques alimentaires déséquilibrées et peu diversifiées. Il est également nécessaire de mettre en garde les patients contre des régimes successifs à l’origine de fluctuations de poids qui peuvent être dangereuses pour la santé.

E Prendre en charge les troubles du comportement alimentaire

La présence de troubles du comportement alimentaire (impulsivité alimentaire, boulimie, hyperphagie et noctophagie, principalement) doit conduire à une prise en charge spécifique qui peut faire intervenir un psychiatre, une psychologue, une diététicienne comportementaliste. La thérapie cognitivo-comportentale a fait la preuve de son efficacité dans certains troubles alimentaires du sujet obèse. La lutte contre la tachyphagie et les grignotages font partie des objectifs pour retrouver un équilibre alimentaire.

F Conseils en activité physique

L’activité physique englobe notamment les loisirs, les déplacements (par exemple, la marche ou le vélo), les activités professionnelles, les tâches ménagères, les activités ludiques, les sports ou l’exercice planifié, dans le contexte quotidien familial ou communautaire.

L’éducation thérapeutique vise à encourager les patients à augmenter leur activité physique, même s’ils ne perdent pas de poids, et à réduire le temps consacré à des activités sédentaires.

Les patients doivent être encouragés à effectuer au moins 2 heures et demie par semaine d’activité physique d’intensité modérée qui peut être fractionnée en une ou plusieurs sessions d’au moins 10 minutes.

Pour en retirer un bénéfice supplémentaire pour la santé, les adultes devraient augmenter la durée de leur activité physique d’intensité modérée de façon à atteindre 5 heures par semaine — ou pratiquer 2 heures et demie par semaine d’activité physique d’intensité soutenue ou une combinaison équivalente d’activité d’intensité modérée et soutenue.

L’activité physique quotidienne doit être présentée comme indispensable au même titre que le sommeil ou l’hygiène corporelle. Le type d’activité physique doit être expliqué et négocié avec le patient en fonction de ses possibilités et de sa motivation.

L’activité physique n’aura pas pour objectif une perte de poids mais un maintien de la masse musculaire et constitue un facteur protecteur de la reprise de poids à moyen terme.

Les conseils concernant l’alimentation et l’activité physique sont des prescriptions qui nécessitent une surveillance et un soutien au long cours et ces modifications de comportement doivent être maintenus sur le long terme. Tout nouvel effort par rapport à la situation antérieure doit être valorisé et encouragé. Le suivi doit être individualisé. De nombreuses études montrent qu’un suivi régulier de façon prolongée contribue à la prévention des rechutes.

G Traitements pharmacologiques de l’obésité

Il se fera toujours en association avec les modifications du mode de vie. De nombreuses spécialités ont été retirées du marché du fait d’effets indésirables soit cardiopulmonaires soit psychiques. La seule molécule restant disponible en France est l’orlistat. Il s’agit d’un inhibiteur des lipases gastriques et pancréatiques, permettant de limiter l’hydrolyse des triglycérides alimentaires et ainsi de diminuer de 30 % leur absorption. Cette malabsorption lipidique iatrogène peut avoir un impact sur la pharmacocinétique de certains médicaments (AVK, lévothyroxine, amiodarone notamment) et induire une stéatorrhée. Il est indiqué chez les sujets avec IMC ≥ 30 voire ≥ 27 en cas de facteurs de risque cardiovasculaire associés. Au regard de son efficacité modeste et de ses effets indésirables potentiels, la prescription d’orlistat n’est pas recommandée par la HAS pour la prise en charge de l’obésité.

H Chirurgie de l’obésité (chirurgie bariatrique)

Pour les formes les plus sévères et compliquées de l’obésité, et après une prise en charge médicale bien conduite, il est envisageable de proposer une aide chirurgicale pour le traitement de l’obésité. En France, le développement de la chirurgie bariatrique a été très rapide, avec une augmentation par 20 du nombre d’interventions entre 1997 et 2017.

1 Principes

La chirurgie bariatrique vise à modifier l’anatomie et le fonctionnement du tractus digestif pour induire une perte de poids. Ses mécanismes d’action sont multiples et il est habituel de séparer les chirurgies restrictives pures (anneau gastrique et sleeve gastrectomie) d’une part et les chirurgies restrictives et malabsorptives d’autre part (bypass et dérivation biliopancréatique). D’autres mécanismes ont été impliqués, à la fois dans l’effet perte de poids et dans l’amélioration métabolique observée. Citons notamment :

  • des modifications des sécrétions hormonales digestives ;
  • une modification de la physiologie des sels biliaires ;
  • une modification de la flore intestinale.
2 Indications

La chirurgie bariatrique est indiquée par décision collégiale, prise après discussion et concertation pluridisciplinaires (au minimum : chirurgien bariatrique, médecin spécialiste de l’obésité, psychiatre ou psychologue), chez des patients adultes réunissant l’ensemble des conditions suivantes (HAS, 2007) :

  • patients avec un IMC ≥ 40 kg/m2 ou bien avec un IMC ≥ 35 kg/m2 associé à au moins une comorbidité susceptible d’être améliorée après la chirurgie (notamment maladies cardiovasculaires dont HTA, syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil et autres troubles respiratoires sévères, désordres métaboliques sévères, en particulier diabète de type 2, maladies ostéoarticulaires invalidantes, stéato-hépatite non alcoolique) ;
  • en deuxième intention après échec d’un traitement médical, nutritionnel, diététique et psychothérapeutique bien conduit pendant 6 à 12 mois, en l’absence de perte de poids suffisante ou en l’absence de maintien de la perte de poids ;
  • patients bien informés au préalable, ayant bénéficié d’une évaluation et d’une prise en charge préopératoires pluridisciplinaires ;
  • patients ayant compris et accepté la nécessité d’un suivi médical et chirurgical à long terme ;
  • risque opératoire acceptable.

Les contre-indications de la chirurgie bariatriques sont présentées dans le tableau 5.

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Tableau 5.

Contre-indications à la chirurgie bariatrique. (Source : CEEDMM, 2021.)

– Les troubles cognitifs ou mentaux sévères

– Les troubles sévères et non stabilisés du comportement alimentaire

– L’incapacité prévisible du patient à participer à un suivi médical prolongé

– La dépendance à l’alcool et aux substances psychoactives licites et illicites

– L’absence de prise en charge médicale préalable identifiée

– Les maladies mettant en jeu le pronostic vital à court et moyen terme

– Les contre-indications à l’anesthésie générale

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3 Techniques chirurgicales (fig. 5)

Anneau gastrique

Cette technique consiste à placer un anneau ajustable en silicone autour de la partie supérieure de l’estomac. L’anneau est relié, grâce à une tubulure, à un boîtier placé sous la peau permettant par injection de liquide de modifier son diamètre. Il s’agit d’une technique induisant une restriction du volume gastrique : la taille du repas est restreinte, limitée à ce que peut contenir la poche gastrique au-dessus de l’anneau. Cette technique est en forte perte de vitesse sur les dernières années (10 % des interventions), du fait d’une efficacité variable, de l’inconfort digestif induit (blocages alimentaires ou reflux) et de la nécessité d’une ré-intervention à moyen terme pour près de 50 % des patients.

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Fig. 5.

Chirurgie bariatrique : techniques.

A. Anneau gastrique. B. Sleeve gastrectomie. C. Dérivation biliopancréatique.

(Illustrations du Dr Jean baptiste Cazauran, Hospices Civils de Lyon.)

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Sleeve gastrectomie (gastrectomie longitudinale)

Cette technique est actuellement la plus pratiquée en France, correspondant à plus de 60 % des interventions. Il s’agit d’une gastrectomie longitudinale des deux tiers de l’estomac permettant une tubulisation de l’estomac avec un volume résiduel de l’ordre de 120 ml. Elle induit une restriction alimentaire ainsi qu’un effet satiétogène. Elle peut induire ou aggraver un reflux gastro-œsophagien. La fistule gastrique, de traitement souvent difficile, est la principale complication chirurgicale redoutée. La sleeve gastrectomie peut induire des carences nutritionnelles.

Bypass gastrique en « Y » (30 % des interventions)

Cette technique, considérée comme celle de référence, associe la création d’une poche gastrique de petit volume (restriction alimentaire) et une dérivation entre l’estomac et le jéjunum par une anse intestinale montée en « Y ». Dans ce montage, le bol alimentaire ne passe plus dans le duodénum, où s’écoulent seuls la bile et les sucs pancréatiques. Cette chirurgie a des mécanismes multiples pour induire la perte de poids, contrôler l’appétit et améliorer les comorbidités. Le bypass gastrique peut induire des carences nutritionnelles notamment en ce qui concerne les vitamines et les éléments traces et justifie le maintien au long cours d’une supplémentation multivitaminique. Le dumping syndrome précoce (malaise dans les 30 minutes suivant le repas nécessitant de s’allonger) et les hypoglycémies post-bypass (malaise typiquement hypoglycémique avec signes adrénergiques survenant 1 heure et demie à 3 heures après le repas) sont des complications fréquentes du bypass dont la gestion médicale est parfois complexe.

Dérivation biliopancréatique

Il s’agit d’une chirurgie d’exception, très malabsorptive et associée à une importante morbidité. Elle est réservée aux formes d’obésité extrême et réalisée dans des centres expérimentés.

4 Efficacité

La perte de poids est habituellement importante avec une perte d’environ 70 % de l’excès de corpulence (correspondant aux points d’IMC au-dessus de 25), correspondant à une perte de 20 à 30 % du poids corporel, sur le long cours. Il s’agit du seul traitement actuel de l’obésité ayant démontré son efficacité sur le long terme en termes de perte de poids et de réduction de certaines comorbidités. La chirurgie bariatrique a actuellement démontré son efficacité dans le contrôle du diabète de type 2, la réduction du risque cardiovasculaire et de la mortalité.

5 Évaluation préopératoire

Elle comprend :

  • une information du patient portant notamment sur les techniques opératoires, leur efficacité, risques et limites ; la nécessité d’une modification du comportement alimentaire et du mode de vie avant et après l’intervention ; la nécessité d’un suivi médical et chirurgical la vie durant, l’obésité étant une maladie chronique et en raison du risque de complications tardives ;
  • une évaluation de l’état nutritionnel clinique et biologique (IMC, tour de taille, bilan biologique comprenant des dosages vitaminiques) ;
  • une évaluation de l’état psychique avec la recherche de troubles du comportement alimentaire ;
  • le dépistage du syndrome d’apnées du sommeil ;
  • la recherche de complications cardiovasculaires ;
  • la réalisation d’une endoscopie œsogastroduodénale, afin de dépister et traiter une infection à Helicobacter pylori (HP) et de rechercher une autre pathologie digestive associée ;
  • la mise place d’un programme d’ETP avec l’équipe pluridisciplinaire avant l’intervention et qu’il faudra poursuivre durant la période postopératoire.
6 Suivi postopératoire

Le suivi est organisé par le médecin traitant en coordination avec l’équipe médicochirurgicale. Il est prolongé à vie et comporte :

  • quatre consultations auprès de l’équipe médicochirurgicale (chirurgien, endocrinologue), la première année, puis une à deux par an les années suivantes ;
  • des consultations régulières chez le médecin traitant.

Le suivi de la courbe de poids, de l’état nutritionnel comprenant le dépistage des carences vitaminiques, des troubles digestifs potentiels, du mode alimentaire et du niveau d’activité physique, de l’évolution des comorbidités de l’obésité, de l’état psychique et de la qualité de vie font partie de ce suivi.

Une supplémentation systématique en vitamines, particulièrement les vitamines D et B12, en fer est indispensable après un bypass ou une sleeve gastrectomy et décidée selon les résultats biologiques après la pose d’un anneau gastrique. Cette supplémentation sera à poursuivre à vie pour les chirurgies induisant une malabsorption (bypass et dérivation biliopancréatique).

7 Complications de la chirurgie bariatrique

Dénutrition protido-énergétique

Une perte de poids trop rapide, une restriction alimentaire sévère avec de faibles apports caloriques (< 800 kcal par jour à 3 mois, < 1 000–1 200 kcal par jour à 6 mois) ou un apport protéique estimé de moins de 60 g par jour, une baisse de l’albumine et/ou de la préalbumine doivent faire évoquer une dénutrition nécessitant une prise en charge spécifique.

Anémie

Une asthénie et un syndrome anémique sont à rechercher systématiquement, associés au dosage régulier de la NFS, ferritine, vitamine B12 et folates. Les supplémentations ferriques orales sont parfois mal tolérées sur le plan digestif, pouvant parfois nécessiter le recours à une supplémentation parentérale.

Carences en vitamines et oligo-éléments

La bonne observance des supplémentations multivitaminiques après chirurgie malabsorptive est vérifiée à chaque consultation. Une asthénie, une perte de cheveux, des symptômes neurologiques (neuropathie périphérique, sclérose combinée de la moelle, encéphalopathie) et une héméralopie (carence en vitamine A) sont recherchés. Des vomissements itératifs après la chirurgie bariatrique exposent au risque d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke par carence en vitamine B1 (faibles réserves) et justifient une supplémentation systématique en vitamine B1. La perfusion de sérum glucosé dans ce contexte peut aggraver la carence en vitamine B1 (cofacteur de la glycolyse) et précipiter le développement de l’encéphalopathie.

Troubles digestifs

Douleurs abdominales

Elles sont peu habituelles et justifient un avis de l’équipe chirurgicale, pour éliminer une complication (ulcère, sténose). Des douleurs abdominales postprandiales après bypass gastrique doivent faire évoquer une hernie interne, urgence chirurgicale.

Reflux gastro-œsophagien

Il est inhabituel après bypass en « Y », qui est un montage antireflux. Il est fréquent après anneau gastrique et sleeve gastrectomie et peut exposer au risque d’endobrachyœsophage.

Vomissements

Ils peuvent traduire la présence d’une tachyphagie, d’un anneau gastrique trop serré, d’une sténose sur sleeve gastrectomie ou sur l’anastomose gastro-jéjunale du bypass.

Diarrhées

Elles sont inhabituelles en dehors de la dérivation biliopancréatique. Des diarrhées chroniques après bypass doivent faire évoquer et rechercher une stéatorrhée ou une pullulation microbienne. En cas de stéatorrhée, un traitement par extraits d’enzymes pancréatiques est proposé et en cas de pullulation microbienne une décontamination digestive par antibiotiques est réalisée.

Dumping syndrome précoce

Il traduit l’arrivée rapide d’un bol alimentaire hyperosmolaire dans l’intestin, déclenchant la libération d’hormones vasoactives. Les patients rapportent une sensation de malaise dans les 30 minutes suivant le repas, avec bouffées de chaleur, tachycardie et le besoin de s’allonger. L’épisode peut se terminer par une débâcle diarrhéique. Des modifications diététiques sont proposées pour limiter cette symptomatologie. Elles ne sont pas toujours efficaces et la prise en charge peut être difficile.

Hypoglycémies post-bypass

Elles sont probablement sous-estimées et surviennent à distance de l’acte chirurgical. Elles sont dues à une élévation rapide et intense de la glycémie postprandiale que l’on observe après bypass, conduisant à une libération explosive d’insuline qui induit ensuite une hypoglycémie 1 heure 30 à 3 heures après le repas. Des modifications alimentaires sont proposées (fractionnement alimentaire, diminution de la charge glucidique de l’alimentation, diminution des aliments à index glycémiques élevés) ; des traitements pharmacologiques (acarbose, analogue de la somatostatine) sont possibles en seconde intention. Un démontage chirurgical du bypass est parfois nécessaire.

 

 

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Points-clés

  • L’obésité est une maladie chronique évolutive multifactorielle sans tendance spontanée à la guérison qui touche actuellement 17 % de la population.
  • L’obésité est associée à des complications non seulement cardiométaboliques, mécaniques, psychosociales mais aussi néoplasiques. Elle retentit fortement sur la qualité de vie.
  • La prise en charge d’un patient obèse doit s’envisager sur le long terme et ne doit pas se limiter à un objectif de perte de poids.
  • La prise en charge nécessite la construction d’un plan de soins personnalisé, négocié avec le patient, et doit prendre en compte les principes de l’éducation thérapeutique du patient.
  • La prise en charge d’un patient obèse comporte habituellement des objectifs négociés et personnalisés de modifications comportementales autour de l’alimentation, du comportement alimentaire et de l’activité physique.
  • La chirurgie bariatrique n’est pas le traitement de première intention de l’obésité. Elle doit être réalisée dans le respect des indications et des contre-indications et nécessite un suivi postopératoire à vie.

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© CEEDMM – Août 2022.