La lettre surrénale de Mai 2018

La Lettre de la Surrénale
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Sommaire Lettre N°9 – Mai 2018
   

[ÉDITO]
Génétique, mécanismes et éducation
Olivier Chabre, service d’endocrinologie, CHU Grenoble-Alpes.

[ACTUALITÉS]
Découverte d’un nouveau gène dans l’hyperaldostéronisme primaire
Fabio Fernandes-Rosa1,2,3, Sheerazed Boulkroun1,2, Maria-Christina Zennaro1,2,3
1 Inserm, UMRS 970, Centre de recherche cardiovasculaire de Paris.
2 Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité.
3 Service de génétique, hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris.

Mutations du gène du récepteur au glucocorticoïde et hyperplasie surrénalienne bilatérale
Olivier Chabre, service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition, CHU Grenoble-Alpes ; faculté de médecine, université Grenoble-Alpes ; unité mixte de recherche INSERM-CEA-UGA U1036, Grenoble.

Prédisposition aux paragangliomes : prenons la navette pour SLC25A11 !
Alexandre Buffet, Inserm U970, Paris-Centre de recherche cardiovasculaire.

[MISE AU POINT SUR…]
Des souris et des hommes… et du sexe
Typhanie Dumontet, Antoine Martinez
Laboratoire génétique, reproduction et développement (GReD), CNRS, Inserm, Université Clermont-Auvergne, Clermont-Ferrand

Rôle des mastocytes dans le contrôle de la sécrétion d’aldostérone
Hervé Lefebvre, Inserm U1239, Institut de recherche et d’innovation biomédicale, université de Rouen ; service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, CHU de Rouen.

Adaptation du traitement par le patient dans l’insuffisance surrénale : “faites-le vous-même, mais pas tout seul !“
Laurence Guignat, service des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, CHU Paris-Centre, Centre de référence des maladies rares de la surrénale, Paris.

 

 

   
Editorial


Génétique, mécanismes et éducation

Olivier Chabre, service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition, CHU Grenoble-Alpes ; faculté de médecine, université Grenoble-Alpes ; unité mixte de recherche INSERM-CEA-UGA U1036, Grenoble.

Chers lecteurs,
Science et éducation sont au programme de la Newsletter surrénale qui, devenue annuelle, n’en est que plus belle !

Tout d’abord un trio de découvertes génétiques (françaises, qui plus est) nous ouvre de nouvelles perspectives dans chaque couche de notre glande préférée.

En effet, depuis la capsule vers la médulla nous découvrons :
– d’abord un nouveau gène dans l’hyperaldostéronisme primaire mis en évidence par l’équipe de Maria-Christina Zennaro ;
– puis de nouvelles mutations du gène du récepteur au glucocorticoïde dans les hyperplasies surrénaliennes grâce à une collaboration entre l’équipe de Brigitte Delemer et celle de Marc Lombès ;
– et, enfin, un nouveau gène du phéochromocytome (ou plutôt d’un paragangliome mais ils sont si proches !), par l’équipe d’Anne-Paule Gimenez-Roqueplo et Judith Favier.

La génétique, c’est très beau, mais la mécanistique c’est encore mieux ! Plongez-vous avec délice dans les rouages complexes de la zonation du cortex surrénalien et du contrôle sérotoninergique de la sécrétion de cortisol.

La science ne vous passionne pas ? Qu’à cela ne tienne, un peu d’éducation : apprenez les bons messages dans l’insuffisance surrénale et la façon de les dire. Vous les découvrirez ici en exclusivité car ils ne sont pas dans le consensus récemment publié dans les Annales d’Endocrinologie, dont nous vous conseillons par ailleurs vivement la lecture.

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis et Pfizer.

 


L'actualité


Découverte d’un nouveau gène dans l’hyperaldostéronisme primaire

Fabio Fernandes-Rosa1,2,3, Sheerazed Boulkroun1,2, Maria-Christina Zennaro1,2,3
1 Inserm, UMRS 970, Centre de recherche cardiovasculaire de Paris.
2 Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité.
3 Service de génétique, hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris.

L’hypertension artérielle (HTA) est un facteur de risque cardiovasculaire majeur, qui touche jusqu’à 25 % de la population. L’hyperaldostéronisme primaire (HAP) est la forme la plus commune d’hypertension artérielle secondaire. Sa prévalence est estimée à environ 10 % des patients référés et jusqu’à 7 % dans des études de population (1). Les adénomes produisant de l’aldostérone (APA, ou adénomes de Conn) et l’hyperplasie bilatérale des surrénales (BAH) sont responsables de la quasi-totalité des cas d’HAP. Le diagnostic précoce d’HAP a un impact très important sur l’issue thérapeutique et la survie, étant donné les effets cardiovasculaires délétères propres à l’excès d’aldostérone.

Ces dernières années, des avancées majeures ont été réalisées dans la compréhension des bases génétiques de l’HAP, avec l’identification de mutations touchant différents gènes codant pour des canaux ioniques ou des ATPases dans environ la moitié des APA et certaines formes familiales de la maladie (2). Afin d’identifier les nouveaux gènes dans l’HAP, notre équipe a entrepris le séquençage de l’exome de patients atteints d’HAP avant l’âge de 25 ans. Cette approche a permis d’identifier, chez une jeune patiente diagnostiquée avec une hypertension artérielle et un HAP à l’âge de 9 ans, une mutation dans un gène jusqu’alors inconnu, CLCN2 (3). Ce gène code pour le canal chlorure ClC-2, dont la présence et les effets dans la glande surrénale étaient jusqu’alors inconnus. Des études fonctionnelles dans des modèles cellulaires et chez la souris, ainsi que des expériences d’électrophysiologie, ont permis d’élucider les mécanismes par lesquels cette mutation pouvait induire une production autonome d’aldostérone. Le canal ClC-2 est exprimé dans le cortex surrénalien humain et de souris. Des études de patch-clamp ont été réalisées sur des cellules de la zone glomérulée de souris. Elles ont mis en évidence des courants chlorure activés par l’hyperpolarisation, qui étaient absents chez les souris dans lesquelles le gène CLCN2 avait été inactivé. La mutation identifiée remplace la glycine en position 24 par un acide aspartique. Cet acide aminé est localisé dans un domaine très conservé de la protéine. La mutation induit une ouverture permanente du canal, qui augmente fortement la conductance du chlorure dans les cellules. L’expression du canal muté dans des cellules corticosurrénaliennes aboutit à un efflux de chlorure à travers le canal muté, ce qui conduit à une dépolarisation de la membrane cellulaire, avec ouverture de canaux calciques voltage-dépendants et augmentation de la concentration intracellulaire de calcium. Ce mécanisme induit l’activation de la voie de signalisation calcique, qui est l’élément central régulant la biosynthèse de l’aldostérone. Les cellules de cortex surrénalien produisent alors plus d’aldostérone en présence du canal muté et expriment davantage les enzymes de la stéroïdogenèse.

Cette découverte révèle un rôle jusqu’alors inconnu d’un canal chlorure dans la physiopathologie de la production d’aldostérone. Elle ouvre des perspectives nouvelles pour la compréhension et le diagnostic de l’hyperaldostéronisme primaire et permet d’envisager des nouvelles cibles thérapeutiques.

Références bibliographiques

1. Hannemann A, Bidlingmaier M, Friedrich N et al. Screening for primary aldosteronism in hypertensive subjects: results from two German epidemiological studies. Eur J Endocrinol2012;167:7-15.

2. Zennaro MC, Boulkroun S, Fernandes-Rosa F. Genetic causes of functional adrenocortical adenomas. Endocr Rev 2017;38:516-37.

3. Fernandes-Rosa FL, Daniil G, Orozco IJ et al. A gain-of-function mutation in the CLCN2 chloride channel gene causes primary aldosteronism. Nat Genet2018;50:355-61.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

 


Mutations du gène du récepteur au glucocorticoïde et hyperplasie surrénalienne bilatérale
Olivier Chabre, service d’endocrinologie-diabétologie-nutrition, CHU Grenoble-Alpes ; faculté de médecine, université Grenoble-Alpes ; unité mixte de recherche INSERM-CEA-UGA U1036, Grenoble.

Le récepteur au glucocorticoïde, dont le gène s’appelle NR3C1, est un des 2 récepteurs du cortisol qui est aussi capable d’activer le récepteur minéralocorticoïde. Des travaux déjà anciens de l’équipe de Chrousos avaient montré que certaines mutations germinales inactivatrices de NR3C1 sont responsables du syndrome de résistance au glucocorticoïde, caractérisé par un hypercortisolisme biologique dépendant de l’adrénocorticotrophine (ACTH), mais sans syndrome de Cushing (pour revue voir [1]). La physiopathologie de ce syndrome repose sur un défaut de sensibilité tissulaire aux actions du cortisol qui dépendent du récepteur des glucocorticoïdes (GR), comme la freination de la sécrétion d’ACTH et également l’expression d’une enzyme, 11bHSD2, qui permet l’inactivation du cortisol en cortisone. Ceci rend compte d’une hypersécrétion d’ACTH et de cortisol sans syndrome de Cushing, mais, en revanche, avec une augmentation des effets minéralocorticoïdes du cortisol et une hypersécrétion surrénalienne d’androgènes et, éventuellement, de désoxycorticostérone. Alors qu’ils n’ont pas de syndrome de Cushing, les patients porteurs d’une mutation inactivatrice de NR3C1 peuvent présenter une hypertension et une hypokaliémie avec aldostérone et rénine basses (jusqu’ici décrites comme sévères), et on peut également observer chez les femmes des manifestations d’hyperandrogénisme.

Du fait de l’hypersécrétion d’ACTH, on pouvait imaginer que ces patients développent une hyperplasie ou une nodularité surrénalienne. Ceci avait été brillamment confirmé, en 2010, par un travail collaboratif des équipes de Reims et du Kremlin-Bicêtre qui avaient mis en évidence une mutation germinale de NR3C1 (avec la double particularité d’être faux sens et hétérozygote) chez un patient porteur d’un incidentalome surrénalien qui ne présentait pas de syndrome de Cushing (2). Cette mutation familiale était associée à une hypertension hypokaliémique et une hyperplasie surrénalienne, et ce travail posait la question de l’importance des mutations de NR3C1 dans la genèse des hyperplasies surrénaliennes macronodulaires.

La réponse à cette question vient d’être donnée dans un très bel article de ces mêmes équipes portant sur les résultats du PHRC Muta-GR. Sur 100 patients avec hyperplasie surrénalienne macronodulaire bilatérale sans syndrome de Cushing, 5 sont porteurs des variants faux sens hétérozygote de NR3C1, dont l’étude in vitro sur fibroblaste démontre qu’il s’agit de véritables mutations, responsables d’une haplo-insuffisance avec défaut d’expression de gènes sous le contrôle du GR (3).

Comparés aux patients non mutés, ces 5 patients ont les caractéristiques suivantes : biologiquement, un hypercortisolisme qui reste modéré (CLU 1,7 N) et un test de freinage 1 mg dexaméthasone qui montre une freination insuffisante du cortisol (227 nmol/L+/-174) et de l’ACTH (30,9 pg/ml+/-31), même si celle-ci n’est pas élevée en basal. Enfin, sont également mis en évidence une kaliémie, un taux d’aldostérone et de rénine plus bas, alors que seulement 2 patients sur 5 étaient hypertendus. Un point important est que ces patients avaient un phénotype nettement moins sévère que les patients initialement décrits par Chrousos. Sur le plan de leur morphologie surrénalienne, les patients avaient différentes combinaisons d’anomalies bilatérales nodulaires et/ou hyperplasiques, et ces anomalies morphologiques ne sont peut être pas uniquement attribuables à l’ACTH, car celle-ci reste à un taux basal normal et il est envisageable que les mutations de NR3C1 aient un retentissement direct sur les cellules corticosurrénaliennes (4).

Au final, l’équipe du PHRC Muta-GR a montré que les mutations de NR3C1 représentent une cause significative d’hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales qu’il faut savoir rechercher car leur diagnostic a des conséquences cliniques importantes : elles permettent un diagnostic différentiel du syndrome de Cushing infraclinique et du pseudo-syndrome de Cushing, et de privilégier une approche thérapeutique médicale fondée sur le traitement par antiminéralocorticoïde de l’hypertension. Enfin, cela ouvre la possibilité d’un diagnostic génétique familial.

Références bibliographiques

1. Charmandari E, Kino T, Chrousos GP. Primary generalized familial and sporadic glucocorticoid resistance (Chrousos syndrome) and hypersensitivity. Endocr Dev 2013;24:67-85.

2. Bouligand J, Delemer B, Hecart AC et al. Familial glucocorticoid receptor haploinsufficiency by non-sense mediated mRNA decay, adrenal hyperplasia and apparent mineralocorticoid excess. PLoS One 2010;5:e13563.

3. Vitellius G, Trabado S, Hoeffel C et al. Significant prevalence of NR3C1 mutations in incidentally discovered bilateral adrenal hyperplasia: results of the French MUTA-GR Study. Eur J Endocrinol 2018;178:411-23.

4. Asser L, Hescot S, Viengchareun S, Delemer B, Trabado S, Lombes M. Autocrine positive regulatory feedback of glucocorticoid secretion: glucocorticoid receptor directly impacts H295R human adrenocortical cell function. Mol Cell Endocrinol 2014;395:1-

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Ipsen, HRA Pharma, Novartis et Pfizer.


 

Prédisposition aux paragangliomes : prenons la navette pour SLC25A11 !
Alexandre Buffet, Inserm U970, Paris-Centre de recherche cardiovasculaire.

Depuis le début des années 2000, les connaissances sur la génétique des phéochromocytomes et paragangliomes (PPGL) ont énormément progressé. L’importance des gènes codant pour des protéines mitochondriales dans la prédisposition tumorale a été clairement démontrée. Jusqu’alors, 8 gènes codant pour des enzymes mitochondriales étaient connus comme étant des gènes de prédisposition aux PPGL : les gènes SDHx (SDHA, SDHB, SDHC, SDHD, SDHAF2) codant pour les différentes sous-unités et cofacteurs de la succinate déshydrogénase (1), les gènes FH et MDH2 codant respectivement pour la fumarate hydratase et la malate déshydrogénase (1, 2) et, tout récemment, le gène GOT2 codant pour la glutamate oxaloacétate transaminase de type 2 (3). L’identification d’une mutation constitutionnelle dans l’un de ces gènes prédispose les patients à développer des formes multiples et/ou malignes (SDHB, FH) de la maladie, permet d’adapter la prise en charge et la surveillance, et de proposer un conseil génétique familial.

Un neuvième gène, SLC25A11, vient d’être ajouté à la liste des gènes de prédisposition aux PPGL codant pour une protéine mitochondriale qui, pour la première fois, n’est pas une enzyme ou un cofacteur mais un transporteur mitochondrial (4). Le transporteur 2-oxoglutarate/malate est localisé dans la membrane interne de la mitochondrie. Il permet la sortie du 2-oxoglutarate (2-OG) et l’entrée du malate dans la mitochondrie, et il est impliqué dans la navette malate-aspartate, permettant de recycler le NADH mitochondrial et ainsi d’alimenter la chaîne respiratoire (figure 1).

Figure 1. Représentation schématique du cycle de Krebs et de la navette malate-aspartate

AcCoA : acétyl-coenzyme A ; Cit : citrate ; Iso : isocitrate ; Suc-CoA : succinyl-coenzyme A ; Succ : succinate ; Fum : fumarate ; OAA : oxaloacétate ; Glu : glutamate.

La première mutation de ce gène a été identifiée grâce au séquençage de l’exome d’un PGL abdominal, dont la classification génomique avait montré qu’il était proche d’un PGL SDHx-dépendant, alors qu’aucune mutation constitutionnelle ou somatique dans l’un des gènes SDHx n’avait été mise en évidence. Des mutations constitutionnelles pathogènes de SLC25A11 ont été ensuite identifiées chez sept autres patients. Six de ces patients avaient développé un PGL abdominal et cinq une forme métastatique.
Toutes les mutations identifiées conduisent à la perte de l’expression de la protéine dans la tumeur en immunohistochimie. Des études complémentaires sur les tumeurs mutées et sur des cellules inactivées pour ce gène ont permis de mieux comprendre les mécanismes de tumorigenèse associés. Tout comme dans les PPGL, SDHx- et FH-dépendants, une pseudo-hypoxie et une hyperméthylation globale de l’ADN ont été mises en évidence. Ces deux phénomènes sont probablement dus à la diminution du 2-OG dans les cellules tumorales qui va inhiber les enzymes 2-OG-dépendantes intervenant dans la répression de la réponse à l’hypoxie et dans la déméthylation de l’ADN (figure 2). Ces résultats ont permis de démontrer que SLC25A11 est un nouveau gène suppresseur de tumeur, dont les mutations constitutionnelles prédisposent aux PPGL malins, impliquant pour la première fois un transporteur mitochondrial dans la cancérogenèse.

Figure 2. Représentation schématique des mécanismes probables de tumorigenèse dans les tumeurs SLC25A11-dépendantes

La diminution du 2-oxoglutarate (2-OG) va inhiber les voies de dégradation du facteur de réponse à l’hypoxie HIF2 alpha et les voies de déméthylation de l’ADN.

Après SDHB, SLC25A11 est le deuxième gène le plus fréquemment muté dans les PPGL métastatiques, ce qui justifie un suivi très rapproché des patients porteurs des mutations qui doivent être considérés comme des patients à risque dès la première chirurgie. Compte tenu du phénotype pseudo-hypoxique induit par l’inactivation du transporteur 2-OG/malate, une thérapie ciblée de type antiangiogénique (sunitinib) peut être une alternative thérapeutique pour le traitement des formes métastatiques.

Références bibliographiques

1. Favier J, Amar L, Gimenez-Roqueplo AP. Paraganglioma and phaeochromocytoma: from genetics to personalized medicine. Nat Rev Endocrinol 2015;11:101-11.

2. Cascón A, Comino-Méndez I, Currás-Freixes M et al. Whole-exome sequencing identifies MDH2 as a new familial paraganglioma gene. J Natl Cancer Inst 2015;107.pii: djv053.

3. Ramacha L, Comino-Méndez I, Richter S et al. Targeted exome sequencing of Krebs cycle genes reveals candidate cancer-predisposing mutations in pheochromocytomas and paragangliomas. Clin Cancer Res 2017;23:6315-24.

4. Buffet A, Morin A, Castro-Vega LJ et al. Germline mutations in the mitochondrial 2-oxoglutarate/malate carrier SLC25A11 gene confer a predisposition to metastatic paragangliomas. Cancer Res 2018;78:1914-22.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.


 

L'actualité

Des souris et des hommes… et du sexe
Typhanie Dumontet, Antoine Martinez, Laboratoire génétique, reproduction et développement (GReD), CNRS, Inserm, Université Clermont-Auvergne, Clermont-Ferrand

La glande corticosurrénale subit un remodelage structural et fonctionnel durant les périodes fœtale et postnatale. Après la naissance, la zone fœtale involue rapidement pour laisser place au cortex définitif. Chez les primates supérieurs, celui-ci atteint sa maturité avec l’émergence de la zone réticulée (zR) lors de l’adrénarche, définie par l’élévation prépubertaire des androgènes plasmatiques, véritable « puberté surrénalienne », à l’origine de la pilosité axillaire et du changement de l’odeur corporelle.

Les mécanismes de la mise en place de l’adrénarche restent inconnus à ce jour, notamment en raison de l’absence de modèle expérimental. En effet, le principal modèle génétique mammifère, la souris, pose deux problèmes : d’une part elle ne produit pas d’androgènes surrénaliens (absence d’expression de CYP17), d’autre part elle ne développe pas d’adrénarche morphologique, c’est-à-dire qu’elle n’individualise pas de zR dans son cortex surrénal profond. L’adrénarche est donc considérée comme une maturation sexuelle typiquement humaine ou tout au moins restreinte à certains primates (1).

Grâce à une approche permettant le suivi spécifique des lignages cellulaires du cortex fœtal ou du cortex définitif chez la souris, nous avons montré que l’activation génétique de la signalisation PKA (suite à l’ablation de la sous-unité régulatrice R1A) impacte uniquement le cortex adulte en stimulant sa régénération, la différenciation de la zone fasciculée puis sa conversion en une zR fonctionnelle (avec réexpression de CYP17) à l’origine d’une production de déhydroépiandrostérone (DHEA/DHEAS) et d’androstènedione (2).

De manière inattendue, ces animaux développent un syndrome de Cushing associé à un hyperaldostéronisme primaire, suggérant la possibilité d’une coexistence de ces hypersécrétions chez certains patients. Cette co-sécrétion s’expliquerait par un effet transcriptionnel majeur de l’activation constitutive PKA, conduisant à l’augmentation des flux de cholestérol exogènes et endogènes. Une telle coordination des voies métaboliques convergeant vers un renforcement de la production des stéroïdes semble d’ailleurs être un mode d’action essentiel du facteur de transcription SF-1, régulateur obligatoire de la différenciation des cellules stéroïdogènes (3).

De manière remarquable, l’ensemble de ces traits est influencé par le sexe. En effet, les androgènes testiculaires favorisent l’antagonisme de la signalisation WNT/b-caténine sur la PKA, conduisant à un ralentissement du renouvellement cortical et à un retard de mise en place du Cushing et de la zR chez les souris mâles, qui seront corrigés par l’orchidectomie ou rétablis par une supplémentation androgénique (figure).

Modèle décrivant le rôle de la signalisation PKA dans la zonation fonctionnelle,
le renouvellement cortical et ses interactions avec les androgènes

La flèche grise pleine désigne le processus principal de renouvellement cellulaire via le recrutement de progéniteurs sous-capsulaires Shh+ qui se différencieront en cellules de la zG. La flèche grise en pointillé montre un mécanisme alternatif mobilisant les progéniteurs capsulaires Rspo3+/Gli1+. La large flèche vert clair symbolise l’accélération de la conversion des cellules zG vers l’identité zF. Les flèches et barres horizontales désignent l’impact de l’activation PKA qui réprime l’identité zG et promeut la conversion vers l’identité zF puis zR. Les flèches bleues horizontales montrent l’impact positif des androgènes testiculaires sur le maintien des réserves de progéniteurs via notamment l’augmentation de l’activation de la signalisation WNT/ß-caténine.

En conclusion, la zR provient de la conversion centripète de la zone fasciculée, sous l’action du renouvellement cellulaire induit par la signalisation PKA qui va dicter la taille du cortex adulte. Enfin, nous démontrons que cette mobilisation des progéniteurs corticaux dépendante de la PKA est sexuellement dimorphique et pourrait, si elle se confirmait dans l’espèce humaine, expliquer la surreprésentation des femmes dans les pathologies corticosurrénaliennes (2).

 

Références bibliographiques

1. Conley AJ, Bernstein RM, Nguyen AD. Adrenarche in nonhuman primates: the evidence for it and the need to redefine it. J Endocrinol 2012;214:121-31.

2. Dumontet T, Sahut-Barnola I, Septier A, Montanier N et al. PKA signaling drives reticularis differentiation and sexually dimorphic adrenal cortex renewal. JCI Insight 2018;3.pii: 98394.

3. Baba T, Otake H, Inoue M et al. Ad4BP/SF-1 regulates cholesterol synthesis to boost the production of steroids. Commun Biol. 2018 Mar 22;1:18

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
 


Rôle des mastocytes dans le contrôle de la sécrétion d’aldostérone
Hervé Lefebvre, Inserm U1239, Institut de recherche et d’innovation biomédicale, université de Rouen ; service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, CHU de Rouen.

La sécrétion d’aldostérone est contrôlée par le système rénine-angiotensine circulant, mais le blocage pharmacologique de ce dernier n’entraîne qu’une réduction modérée de l’aldostéronémie, suggérant l’intervention d’autres facteurs régulateurs. De nombreux travaux ont permis de montrer que la production surrénalienne de minéralocorticoïdes était également stimulée par le potassium plasmatique et des signaux bioactifs variés libérés dans la glande surrénale par divers types cellulaires, incluant les cellules endothéliales et les cellules immunitaires.

En particulier, G.P. Vinson et al. ont montré, dès les années 1980, que les mastocytes intrasurrénaliens étaient capables d’activer la sécrétion d’aldostérone chez le rat, à la fois par des mécanismes directs et indirects impliquant la modulation du flux sanguin surrénalien (1). Dans la glande surrénale humaine, les mastocytes localisés sous la capsule au voisinage immédiat des cellules de la zone glomérulée, stimulent la sécrétion d’aldostérone de façon paracrine, par le biais de la sérotonine (5-hydroxytryptamine [5-HT]) et de son récepteur 5-HT4 (2, 3). Dans la glande surrénale fœtale, cette voie de régulation mastocytaire commence à se mettre en place dès la 18e semaine de gestation, et sa maturation semble constituer un préalable à l’expression de l’aldostérone synthase qui n’apparaît que peu de temps avant la naissance (4). De façon intéressante, il a été montré que la densité mastocytaire était augmentée dans les adénomes de Conn, qui surexpriment par ailleurs l’enzyme clé de la synthèse de 5-HT, la tryptophane hydroxylase, et le récepteur 5-HT4 (5, 6). Cette up-régulation de la voie de signalisation mastocytes/5-HT pourrait jouer un rôle important dans la genèse de l’hyperaldostéronisme primaire, notamment dans les adénomes de Conn qui ne présentent pas de mutation activatrice de la voie du calcium intracellulaire.

Il restait malgré tout difficile de préciser la place des mastocytes dans la régulation de la fonction minéralocorticoïde en conditions physiologiques et physiopathologiques sans avoir recours à un modèle animal. Récemment, la sécrétion d’aldostérone a pu être étudiée dans un modèle de souris déficitaires en mastocytes (MC- ; souche C57BL/6 KitW-sh/W-sh). Alors que les données antérieures obtenues chez le rat et l’homme laissaient présager un hypoaldostéronisme, les souris MC- présentent au contraire une réponse exagérée de l’aldostérone au régime désodé, comparativement aux souris sauvages, aboutissant à un hyperaldostéronisme sévère avec hypertension artérielle et hypokaliémie (7). Cette ascension majeure des taux d’aldostérone est indépendante du système rénine-angiotensine circulant et paraît résulter d’une surexpression de la rénine intrasurrénalienne qui compense probablement l’absence de mastocytes (figure). Les souris déficitaires en mastocytes représentent par conséquent un modèle inattendu d’hyperaldostéronisme primaire qui a la particularité étonnante d’être induit par le régime désodé. À l’avenir, les souris MC-, ainsi que des souches murines génétiquement modifiées plus récentes dans lesquelles la perte des mastocytes est inductible, pourront constituer des modèles intéressants pour l’étude de l’interaction mastocytes/cellules surrénaliennes. De façon plus générale, la mise en évidence de cette nouvelle voie de régulation ouvre des perspectives diagnostiques et thérapeutiques originales, reposant notamment sur l’utilisation des antagonistes du récepteur 5-HT4 et/ou des inhibiteurs de la tryptophane hydroxylase (TPH) dans la prise en charge de l’hyperaldostéronisme.

Régulation de la sécrétion d’aldostérone chez la souris déficitaire en mastocyte

A. Chez les souris sauvages, le régime désodé (RD) induit une hypersécrétion d’aldostérone résultant à la fois de l’activation des mastocytes surrénaliens et de la stimulation du système rénine-angiotensine (SRA) circulant.
B. De façon surprenante, le RD provoque une réponse de l’aldostérone exagérée chez la souris déficitaire en mastocyte par comparaison avec les souris sauvages. Cet hyperaldostéronisme sévère semble être la conséquence d’une forte activation du SRA intrasurrénalien qui pourrait représenter un mécanisme de compensation de l’absence de mastocyte. D’après (7).

Références bibliographiques

1. Hinson JP, Vinson GP, Pudney J, Whitehouse BJ. Adrenal mast cells modulate vascular and secretory responses in the intact adrenal gland of the rat. J Endocrinol 1989,121:253-60.

2. Lefebvre H, Compagnon P, Contesse V et al. Production and metabolism of serotonin (5-HT) by the human adrenal cortex: paracrine stimulation of aldosterone secretion by 5-HT. J Clin Endocrinol Metab 2001;86:5001-7.

3. Lefebvre H, Duparc C, Prévost G et al. Paracrine control of steroidogenesis by serotonin in adrenocortical neoplasms. Mol Cell Endocrinol 2015;408:198-204.

4. Naccache A, Louiset E, Duparc C et al. Temporal and spatial distribution of mast cells and steroidogenic enzymes in the human fetal adrenal. Mol Cell Endocrinol 2016;434:69-80.

5. Cartier D, Jégou S, Parmentier F et al. Expression profile of serotonin4 (5-HT4) receptors in adrenocortical aldosterone-producing adenomas. Eur J Endocrinol 2005;153:939-47.

6. Duparc C, Moreau L, Dzib JF et al. Mast cell hyperplasia is associated with aldosterone hypersecretion in a subset of aldosterone-producing adenomas. J Clin Endocrinol Metab 2015;100:E550-60.

7. Boyer HG, Wils J, Renouf S et al. Dysregulation of aldosterone secretion in mast cell-deficient mice. Hypertension 2017;70:1256-63.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
 


Adaptation du traitement par le patient dans l’insuffisance surrénale :
“faites-le vous-même, mais pas tout seul !“

Laurence Guignat, service des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, CHU Paris-Centre, Centre de référence des maladies rares de la surrénale, Paris.

Pour reprendre le slogan publicitaire d’une grande marque de bricolage, il paraît essentiel de favoriser l’autonomie des patients dans la gestion de leur maladie, en particulier pour essayer d’éviter l’insuffisance surrénale aiguë ou de la traiter précocement. Bien que rare, son incidence ne semble pas diminuer ces dernières années pour rester autour de 8/100 patients-années, avec une mortalité évaluée à 1/100 patients-années (1, 2). L’élaboration de programmes d’éducation thérapeutique depuis 2010 et du consensus français sur l’insuffisance surrénale en 2015 a conduit à repenser les messages éducatifs, en particulier ceux concernant l’adaptation du traitement.

Classiquement (3, 4), il est recommandé de modifier la dose d’hydrocortisone en fonction de la sévérité du problème intercurrent (présence et intensité de la fièvre, gravité de l’infection, lourdeur de la chirurgie, etc.). L’instruction “traditionnelle“ est de doubler la dose d’hydrocortisone en cas de maladies entraînant de la fièvre ou nécessitant le repos ou un traitement antibiotique ou des gestes tels que des soins dentaires, et de faire une injection d’hydrocortisone en cas de troubles digestifs ou de maladies sévères. Cette recommandation comporte des défauts. La majorité des patients comprennent qu’ils doivent augmenter la dose au moment où ils prennent normalement leur médicament (par exemple : 2 comprimés le matin et le midi). Du fait de la demi-vie courte de l’hydrocortisone, ils ne sont pas “couverts“ de la fin de soirée jusqu’au lendemain matin et attendent plusieurs heures avant d’adapter le traitement si le problème survient en fin de journée ou la nuit. De plus, les indications de l’injection d’hydrocortisone sont trop imprécises.

À défaut d’études ayant démontré l’efficacité et la sécurité d’une stratégie donnée, le parti pris du groupe de travail du consensus français (5) a été de donner des consignes plus directives à appliquer, quel que soit le facteur intercurrent, mais personnalisées (cf. tableau). Ces consignes sont à adapter en fonction des spécificités du patient (grossesse, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [MICI], colostomie, etc.) ou de son traitement (fortes doses d’hydrocortisone avec mitotane, insuffisance corticotrope partielle, etc.).

Exemple de consignes d’adaptation du traitement pour un adulte insuffisant surrénalien traité
par 10 mg d’hydrocortisone matin et midi et 100 µg de fludrocortisone

Situation

Consigne

Maladie aiguë (vomissements, diarrhées, fièvre, infection, fracture, etc.) ou choc émotionnel

 Prendre immédiatement, quelle que soit l’heure, 20 mg d’hydrocortisone puis 20 mg matin, midi et soir, jusqu’à disparition du problème (en général 2 à 3 jours)
 Faire traiter le problème intercurrent le plus rapidement et efficacement possible

Au-delà de 2 vomissements et/ou 2 diarrhées en moins de 4 h, ou troubles de conscience

 Injection sous-cutanée de 100 mg d’hydrocortisone
(voir https://www.youtube.com/watch?v=1Imlbe3efpQThe et https://www.youtube.com/watch?v=5v176DHrRUE)

Activité physique intense et prolongée

 + 5 mg d’hydrocortisone toutes les 3 h, en débutant 1 h avant

Voyage en avion de plus de 6 h

 + 10 mg d’hydrocortisone toutes les 6 h jusqu’au petit déjeuner du pays d’arrivée

Fortes chaleurs et/ou sudation intense

 Boire plus d’eau et manger plus salé
 ou  augmenter la dose de fludrocortisone de 50 µg

Coloscopie

 À programmer le matin
+ 20 mg d’hydrocortisone la veille au soir et le matin ; hydratation orale
Juste avant, hydrocortisone 100 mg i.v. ou i.m.

Anesthésie générale, chirurgie, traumatisme, accouchement, réanimation

 Hydrocortisone 100 mg i.v. ou i.m.
 ± hydrocortisone 100 mg par 24 h i.v. à la seringue électrique (ou 25 mg toutes les 6 h i.v. ou i.m.), jusqu’à reprise de l’alimentation orale
 Puis hydrocortisone en comprimés 20 mg matin, midi et soir; diminution progressive jusqu’à la dose habituelle
 Fludrocortisone à reprendre quand dose hydrocortisone < 50 mg/24 h

 

La compréhension, l’adhésion et l’application de ces consignes doivent être vérifiées tout au long du suivi du patient. Il est important qu’elles soient également communiquées aux autres acteurs de santé prenant en charge le patient, à défaut de quoi ce dernier pourrait se sentir perdu entre des recommandations contradictoires.

Références bibliographiques

1. Amrein K, Martucci G, Hahner S. Understanding adrenal crisis. Intensive Care Med 2017 [Epub ahead of print].

2. Hahner S, Spinnler C, Fassnacht M et al. High incidence of adrenal crisis in educated patients with chronic adrenal insufficiency: a prospective study. J Clin Endocrinol Metab 2015;100:407-16.

3. Bornstein SR, Allolio B, Arlt W et al. Diagnosis and treatment of primary adrenal insufficiency: an endocrine society clinical practice guideline. J Clin Endocrinol Metab 2016;101:364-89.

4. Husebye ES, Allolio B, Arlt W et al. Consensus statement on the diagnosis, treatment and follow-up of patients with primary adrenal insufficiency. J Intern Med 2014;275:104-15.

5. Guignat L, Proust-Lemoine E, Reznik Y, Zenaty D. Group 6. Modalities and frequency of monitoring of patients with adrenal insufficiency. Patient education. Ann Endocrinol (Paris) 2017;78:544-58.

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec HAC pharma.


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