La lettre de la Thyroïde Mai 2015

Dans cette NewsLetter où de jeunes femmes endocrinologues font la part belle à la cancérologie thyroïdienne, la note historique de Jean-Louis Schlienger
La Lettre de la Thyroïde
Sommaire Lettre N°9 – Mai 2015
   

[ÉDITO]

• À quoi bon doser encore la T3 ?
Jean-Louis Wémeau (Lille)

[MISES AU POINT SUR…]

• Conséquences à long terme des mutations perte de fonction du recepteur de TSH
Frédéric Illouz (Angers)

• Des avancées majeures grâce aux technologies récentes en “-omiques” appliquées aux cancers papillaires de la thyroïde.
Camille Buffet (Paris)

• RCAN1-4, un gène suppresseur de métastases dans le cancer thyroïdien différencié
Stéphanie Espiard (Lille)

• Recaptage de l’iode chez des patients atteints de carcinomes papillaires thyroidiens mutés BRAFV600E sous traitement par dabrafénib, inhibiteur de BRAF
Léopoldine Bricaire (Paris
)

• Traitement par évérolimus d’un cancer anaplasique de la thyroïde : de la réponse à la résistance au traitement
Julie SARFATI (Kremlin-Bicêtre
)

[NOTE HISTORIQUE]

• Le centenaire de la thyroxine
Jean-Louis Schlienger (Strasbourg)

   
Editorial

À quoi bon doser encore la T3 ?
Jean-Louis Wémeau (Lille)

Dans cette NewsLetter où de jeunes femmes endocrinologues font la part belle à la cancérologie thyroïdienne, la note historique de Jean-Louis Schlienger rappelle la découverte des différentes iodothyronines actives, et notamment l’implication française de Jean Roche. Il contribua à l’isolement de la T3 inverse, succédant à la reconnaissance de la T3, officiellement attribuée à J. Gross et R. Pitt-Rivers.

Antérieurement n’étaient mesurés que le PBI (Protein Bound Iodine), puis le BEI (Butanol Extractable Iodine), plus spécifiquement hormonal, enfin l’iode hormonal. Tous constituaient des reflets de la thyroxine quantitativement largement prédominante. C’est dire que la reconnaissance puis la mesure de la T3, hormone métaboliquement la plus active, avait suscité beaucoup d’espoir pour l’évaluation de la fonction thyroïdienne.

Cependant, il est apparu que la T3 est d’abord un produit de la désiodation de la thyroxine qui s’active au niveau du foie, du muscle, du rein, du cerveau, etc. par perte d’un atome d’iode sous l’influence de la désiodase de type 1. Sous l’influence de la désiodase de type 2, à des degrés de régulation différents, une autre activation s’établit dans l’antéhypophyse. Enfin la désiodase de type 3, notamment placentaire, inactive puissamment T4 et T3 (1).

Dès lors la T3 est à considérer d’abord comme un marqueur de la production périphérique, et globalement comme un médiocre indicateur de la fonction thyroïdienne. Par exemple, au cours du syndrome de basse T3 (observé dans les maladies générales aiguës ou chroniques, les états de privation calorique ou glucidique, ou sous l’influence de médications altérant la désiodation de la thyroxine), l’abaissement isolé de la T3 ne s’accompagne pas d’évidence d’hypothyroïdie, et les taux de TSH sont normaux. À l’inverse, dans les hypothyroïdies modérées, la baisse de T4 coïncide avec une élévation de la TSH et déjà des signes d’hypométabolisme, alors que longtemps la normalité du taux de T3 est préservée.

De ce fait, bien des consensus ont prôné l’évaluation de la fonction thyroïdienne d’abord par la mesure de la TSH : reflet à long terme de l’imprégnation hormonale, et présupposant l’intégrité fonctionnelle de l’antéhypophyse. À été reconnue aussi l’opportunité du dosage de la T4 libre dans la reconnaissance des dysfonctions centrales, et pour l’adaptation initiale du traitement médical des hyperthyroïdies.

Dès lors à quoi bon conserver la mesure de la T3 dans l’exploration de la fonction thyroïdienne ?
Clairement, la mesure de la TSH seule suffit à confirmer l’impression clinique d’euthyroïdie au cours du goitre simple, des nodules. Elle suffit aussi à la détection précoce des dysfonctions affectant primitivement la glande thyroïde, et habituellement à l’adaptation des traitements hormonaux substitutifs ou frénateurs par la lévothyroxine.

La T4 libre constitue un bon reflet de l’imprégnation par l’hormone thyroïdienne dès que la TSH apparaît ininterprétable en raison d’une défaillance pituitaire, d’un état thyrotoxique récent, d’une prise imparfaite de l’hormonothérapie. L’intérêt de la mesure conjointe de T3 est ordinairement médiocre. Celle-ci n’apparaît pas non plus vraiment défendable dans la quantification du degré de la défaillance fonctionnelle au cours des hypothyroïdies d’origine primitivement thyroïdienne, ou dans la détection précoce des surdosages hormonaux.

1. L’intérêt de la mesure de T3 ou T3 libre, est d’abord étiologique. La majorité des hyperfonctionnements thyroïdiens (maladie de Basedow, nodules toxiques, etc.) se marquent par un accroissement prédominant de la T3, ce qu’explique l’activation de la désiodase de type 1, et à terme l’appauvrissement du parenchyme thyroïdien en iode. En revanche, quand un état thyrotoxique coïncide avec une augmentation prédominante de la T4, cela constitue un signe d’alerte très fort : soit en faveur d’une surcharge iodée, soit d’un processus de thyroïdite (dilacérant la structure vésiculaire et libérant le contenu hormonal où prédomine la thyroxine), soit d’une altération associée de la conversion de T4 en T3 : maladies générales, corticothérapie, amiodarone, prise de propranolol (mais non des autres ?-bloqueurs).

2. Il faut indiquer aussi l’apport diagnostique de la mesure de la T3, largement accrue, isolément, sans guère d’altération des taux de T4 et de TSH au cours du syndrome d’Allan-Herdon-Dudley, affection génétique liée à l’X, en relation avec des mutations du gène MCT8, altérant le transport intracellulaire des hormones thyroïdiennes notamment au sein des structures fines du cerveau (2). Les concentrations hormonales sont sensiblement normales au cours des états de résistance du récepteur ? des hormones thyroïdiennes dont le phénotype se marque par un morphotype osseux avec nanisme, respectant relativement l’extrémité céphalique ; mais dans cette situation le rapport FT3/FT4 est constamment accru (2). Désormais dans les états d’insuffisance du développement psychomoteur et statural, les équipes de neuropédiatrie notamment sont conduites à vérifier non seulement la TSH, mais aussi T3 et T4 libres.

3. La mesure de la T3 apparaît aussi un paramètre utile dans l’évaluation du test de freinage de Werner par la triiodothyronine (liothyronine, Cynomel®). On en juge les effets sur les données cliniques, et l’abaissement des taux de T4, plutôt que sur la traditionnelle baisse de la fixation de l’iode radioactif. Ce test, mené prudemment parfois sous ?-bloqueur cardio-sélectif, peut s’avérer utile dans des situations difficiles d’états de sécrétion inappropriée de TSH dont on ne sait s’ils résultent d’un adénome thyréotrope sans adénome visible, ou d’une résistance aux hormones thyroïdiennes sans mutation de TR?.

4. Enfin, il existe un courant de pensée actuel qui considère que la détermination des hormones thyroïdiennes T3 et T4 libres constituerait pour l’organisme un reflet plus exact de l’imprégnation hormonale que celle de la TSH, laquelle est au sens propre marqueur de « satisfaction » des besoins de l’antéhypophyse. Il en est ainsi dans les populations âgées (3), l’approche du risque vasculaire (4), possiblement aussi lors des substitutions hormonales des hypothyroïdies par la lévothyroxine qui ne rétablit pas nécessairement les équilibres physiologiques en hormone thyroïdienne (1).

Il ne suffit pas de prescrire des dosages de la T3. Il faut les solliciter avec parcimonie, en soutirer la signification.

Références bibliographiques

  1. Une revue récente se fait aussi le défenseur du dosage de la T3 : SM Abdalla, AC Bianco. Defending plasma T3 is a biological priority. Clin Endocrinol (Oxf) 2014;81(5):633-41.
  2. Visser WE, van Mullem AA, Visser TJ, Peeters RP. Different causes of reduced sensitivity to thyroid hormone: diagnosis and clinical management. Clin Endocrinol (Oxf) 2013;79(5):595-605.
  3. Simonsick EM, JS Mammen, CW Chia, L Ferruci. High Free Thyroxine Level is associated with Worse Functional Mobility and Greater Fatigue in Euthyroid Men and Women from the BLSA – Baltimore. ENDO 2015, San Diego.
  4. Delitala AP, M Orru, F Filigheddu, MG Pilia, Delitala G et al. Serum free thyroxine level are positively associated with arterial stiffness in the SardNIA study. Clin Endocrinol 2015;82(4):592-7.
mises au point

Conséquences à long terme des mutations perte de fonction du recepteur de TSH
Frédéric Illouz (Angers)

D’après Tenenbaum-Rakover Y, Almashanu S, Hess O et al. Long-term outcome of loss-of-function mutations in thyrotropin receptor gene. Thyroid 2015;25(3):1-8.

La résistance à la TSH est une définition essentiellement hormonologique qui associe une élévation du niveau de la TSH avec des valeurs normales d’hormones thyroïdiennes. Celle-ci est secondaire à une perte de fonction du récepteur de la TSH (TSHR). Le diagnostic peut être fait soit durant la période néonatale devant un tableau d’hypothyroïdie congénital (HC) [dépistage néonatal comme toute hypothyroïdie périphérique], soit plus tard dans la vie sous forme d’hypothyroïdie subclinique.

Cet article (1) s’est intéressé aux fluctuations de l’hormonémie thyroïdienne sur le long terme des patients avec un tableau hormonologique de résistance à la TSH. La recherche de mutation du gène TSHR a été effectuée chez 94 patients avec un profil hormonologique différent : 1) patients porteurs d’une HC avec la persistance d’une TSH élevée et une T4 libre (T4L) normale ou basse, après l’arrêt de la supplémentation thyroïdienne (à l’âge de 2-3 ans) [l’hypothyroïdie congénitale était dépistée ici sur une valeur de T4 totale < 10e percentile, et confirmée par son association avec une TSH > 20 mU/l] ; 2) patients avec une TSH > 4,2 mU/l à 2 reprises avec des niveaux normaux d’hormones thyroïdiennes ; 3) fratrie des patients avec une mutation de TSHR ou avec une hypothyroïdie subclinique ; 4) thyroïde hypoplasique à l’échographie ou scintigraphie 99Tc. Les patients avec une auto-immunité thyroïdienne étaient exclus. Les niveaux hormonaux ont été évalués au diagnostic et en fin de suivi après arrêt de la supplémentation hormonale chez les patients traités.

L’article décrit 94 patients porteurs d’une résistance à la TSH mais génétiquement confirmée chez seulement 27 sujets (29 %), appartenant à 4 familles, avec une consanguinité dans 64 % des cas. Parmi ces 27 sujets, seuls 5 ont été dépistés en période néonatale.

Même s’il existe de grandes variations, la TSH au diagnostic était plus élevée chez les patients mutés que chez les non-mutés (29,0 vs 14,1 mU/l), ainsi que lors de la dernière visite (31,7 vs 6,2 mU/l). La variation de la TSH entre le diagnostic et la dernière visite était plus élevée chez les mutés (+ 5,8 vs – 2,6 mU/l). Parmi les patients mutés, 6 mutations différentes ont été retrouvées : 12 sujets étaient homozygotes, 3 étaient double hétérozygotes et 12 étaient hétérozygotes. Les homozygotes avaient une TSH plus élevée que les hétérozygotes, que cela soit au diagnostic ou en fin de suivi (53,6 vs 9,2 mU/l et 62,1 vs 9,8 mU/l). La TSH ne variait pas au cours du suivi chez les hétérozygotes. Même si les niveaux de T4L n’étaient pas statistiquement différents entre ceux 2 groupes, le suivi à 11 ans permet de voir une réduction significative de la T4L uniquement chez les homozygotes. Peu de patients ont été traités dans cette cohorte et les IRM hypophysaires de 3 sujets homozygotes non-traités ne montraient pas d’hyperplasie hypophysaire réactionnelle.

La prévalence de 29 % de mutation de TSHR dans les tableaux de résistance à la TSH retrouvée dans cette cohorte est plus importante que celle habituellement décrite (2) mais peut être expliquée par les différences des populations sélectionnées. Cet article apporte une aide au suivi de ces patients en décrivant une stabilité de l’axe thyréotrope au cours du temps chez les sujets hétérozygotes qui modifient peu leur niveau de TSH et de T4L. Le suivi de ces patients pourrait être allégé. Cependant, chez les homozygotes, le phénotype au diagnostic est plus sévère avec une tendance à l’aggravation au cours du temps, rendant nécessaire leur suivi. La question du choix de traiter ou de ne pas traiter ces patients par lévothyroxine ne peut être tranchée dans cet article. Le dépistage de l’HC par la TSH (comme cela est fait en France) semble préférable pour dépister les patients porteurs d’une résistance à la TSH, même si ce dosage peut théoriquement être pris en défaut pour dépister les résistances aux hormones thyroïdiennes.

Références bibliographiques

  1. Nicoletti A, Bal M, De Marco G et al. Thyrotropin-stimulating hormone receptor gene analysis in pediatric patients with non-autoimmune subclinical hypothyroidism. J Clin Endocrinol Metab 2009;94(11):4187-94.
  2. Tenenbaum-Rakover Y, Grasberger H et al. Loss-of-function mutations in the thyrotropin receptor gene as a major determinant of hyperthyrotropinemia in a consanguineous community. J Clin Endocrinol Metab 94(5):1706-12.

Des avancées majeures grâce aux technologies récentes en “-omiques” appliquées aux cancers papillaires de la thyroïde
Camille Buffet (Paris)

D’après Cancer Genome Atlas Research Network. Integrated genomic characterization of papillary thyroid carcinoma. Cell. 2014 Oct 23;159(3):676-90)

Cette publication du réseau du Cancer Genome Atlas, dans un numéro de Cell de fin 2014, a apporté de nouvelles données majeures concernant la biologie de la tumeur endocrine la plus fréquente, le carcinome papillaire de la thyroïde. Elle est le résultat d’un large projet américain visant à améliorer la compréhension des mécanismes moléculaires à l’origine de la tumorigenèse de nombreux cancers, grâce à l’utilisation des technologies récentes à haut débit incluant : l’analyse du génome (exome et séquençage du génome entier) et des variants du nombre de copie de l’ADN, du transcriptome (analyse du profil d’expression des gènes de la tumeur), du miRNome (analyse du profil d’expression des microARN, petits ARN non-codants qui contrôlent l’expression de certains gènes), du méthylome (analyse de la méthylation des gènes), ainsi que du protéome (analyse des modifications des protéines tumorales).

Les nouvelles données provenant de l’application de ces technologies à 496 carcinomes papillaires de la thyroïde, essentiellement de bons pronostics, sont nombreuses. On retiendra le faible nombre de mutations somatiques identifiées au sein de ces tumeurs, par comparaison avec d’autres cancers (comme les cancers colorectaux avec instabilité de microsatellite ou les mélanomes). La grande fréquence des mutations activatrices de l’oncogène BRAF est confirmée (60% environ dans cette série). De nouvelles anomalies moléculaires à l’origine de la tumorigenèse ont été identifiées (mutations ponctuelles de gènes tel que EIF1AX, de nouveaux réarrangements chromosomiques impliquant RET, BRAF, MET ou ALK par exemple) de façon mutuellement exclusive avec les anomalies classiquement connues. Ces découvertes ont donc permis de faire passer le pourcentage de cancers papillaires sans anomalie moléculaire identifiée de 25 à 4 %.

L’analyse des données de transcriptome, de modifications épigénétiques et de protéome ont permis d’établir 2 modes de cancérogenèse principaux :

– l’un préférentiellement lié aux mutations de l’oncogène BRAFV600E, associé à une forte activation de la voie MAPK et une forte dédifférenciation, correspondant sur le plan histologique surtout aux formes classique, à cellules hautes ou à composante peu différenciée ;

– l’autre lié préférentiellement aux mutations des isoformes de RAS, associé à une activation de la voie PI3K et une meilleure différenciation ; correspondant sur le plan histologique surtout aux variants de forme vésiculaire.

L’analyse fine des données montre néanmoins, que le groupe des cancers papillaires BRAFV600E n’est pas homogène avec notamment un degré de dédifférenciation plus ou moins important, dont il faudrait tenir compte dans la pratique clinique.

Au total, cette nouvelle caractérisation moléculaire reflétant mieux les différences génotypiques et phénotypiques au sein des carcinomes papillaires devrait être une aide à la prise en charge des patients. Il reste désormais à caractériser de la même façon le faible pourcentage de cancers papillaires ayant une évolution défavorable, en particulier ceux dont les métastases à distance deviennent réfractaires à la thérapie classique par iode radioactif.
 


RCAN1-4, un gène suppresseur de métastases dans le cancer thyroïdien différencié
Stéphanie Espiard (Lille)

L’incidence de nombreux types de cancers est diminuée significativement chez les patients atteints de trisomie 21 (1). Il est suggéré que cette protection du cancer soit secondaire à une surexpression de certains gènes localisés au niveau du chromosome 21. RCAN1 (ou “regulator of calcineurine 1”) est un de ces gènes candidats (1). Ce gène code pour une protéine qui interagit avec la calcineurine et inhibe sa voie de signalisation (2). Il avait été préalablement montré que RCAN1-4 jouait un rôle en régulant les cellules métastatiques dans le cancer de la thyroïde (2). Il a été désormais montré que RCAN1 joue un rôle direct dans l’inhibition in vivo des métastases (4).

Pour cela, l’expression de RCAN1-4 a été inhibée (en bloquant l’ARNm avec un “shRNA”) dans des lignées de cellules thyroïdiennes en culture exprimant fortement RCAN1-4 (Hth74 and FTC236). Les cellules ont été alors modifiées pour exprimer une luciférase afin de les visualiser in vivo. Les cellules inactivées ne proliféraient pas plus que les cellules contrôle mais en revanche, in vitro, elles avaient des capacités d’invasion et de migration. L’injection des cellules inactivées pour RCAN1-4 dans des souris (modèle de “xénogreffe”) conduisait sur le site d’injection à une tumeur plus grosse dans un délai plus court qu’avec l’injection des cellules contrôle. L’injection des cellules inactivées dans la queue des souris conduisait à la formation de métastases pulmonaires alors qu’il n’y en avait pas avec les cellules contrôles (4).

Cette étude montre que RCAN1-4 est un régulateur de la croissance tumorale in vivo et de l’invasion tumorale in vitro et in vivo. Des études complémentaires, avec notamment d’autres lignées cellulaires, sont en cours pour confirmer le rôle de RCAN1-4 dans la survenue de métastases du cancer thyroïdien.
 

Références bibliographiques

  1. Harris CD, Ermak G, Davies KJ. Multiple roles of the DSCR1 (Adapt78 or RCAN1) gene and its protein product calcipressin 1 (or RCAN1) in disease. Cell Mol Life Sci 2005;62(21):2477-86.
  2. Forés-Martos J, Cervera-Vidal R, Chirivella E et al. A genomic approach to study down syndrome and cancer inverse comorbidity: untangling the chromosome 21. Front Physiol 2015;4;6:10.
  3. Espinosa AV, Shinohara M, Porchia LM et al. Regulator of calcineurin 1 modulates cancer cell migration in vitro. Clin Exp Metastasis 2009;26(6):517-26.
  4. Chaojie Wang, Adlina Mohd-Yusof, Hiroshi Nakanishi, Motoyasu Saji and Matthew D Ringel, MD. RCAN1-4 Is a Novel Metastasis Suppressor Gene. Endocrine society meeting, San Diego, 2015. OR23-1

Recaptage de l’iode chez des patients atteints de carcinomes papillaires thyroïdiens mutés BRAFV600E sous traitement par dabrafénib, inhibiteur de BRAF
Léopoldine Bricaire (Paris)

L’incidence des cancers papillaires de la thyroïde (PTC) s’est accrue ces dernières décennies. La majorité des PTC présente des mutations activatrices de gènes impliqués dans l’activation de la voie des MAP Kinases. Des mutations de l’oncogène BRAF sont retrouvées dans environ 50 % des PTC, la plus fréquente étant la mutation BRAFV600E. La présence de cette mutation est associée à une agressivité tumorale plus importante : métastases ganglionnaires, extension extra-thyroïdienne ou à distance, décès. Cette mutation est également associée à une résistance au traitement par iode radioactif. Une inhibition directe de BRAF dans ces cancers semblerait plus efficace qu’une inhibition de MEK, situé en aval de la voie des MAPK, et pourrait réinduire l’expression du symporteur NIS et restaurer un captage de l’iode (1). L’équipe américaine de Rothenberg a testé le dabrafénib, inhibiteur sélectif de BRAF, chez 10 patients présentant un PTC avec mutation de BRAFV600E et ne fixant pas l’iode131 en scintigraphie corps entier (2).

Les patients ont été traités par dabrafénib 150 mg oral 2 fois par jour pendant 25 jours. Une scintigraphie corps entier en stimulation sous thyrotropine-? après une dose de 148 MBq d’I131 était alors réalisée. En l’absence de fixation de l’iode, le traitement était arrêté. En cas d’apparition d’un captage de l’iode, le traitement par dabrafénib était poursuivi 2 semaines supplémentaires et une dose thérapeutique d’Iode131 de 5.5 GBq en stimulation sous thyrotropine-? était administrée avec contrôle scintigraphique corps entier 5 jours après. Le traitement par dabrafénib était alors arrêté. Par ailleurs un scanner de la tête et du cou était réalisé dans les 30 jours précédant l’introduction du dabrafénib puis à 3 et 6 mois afin d’évaluer les cibles tumorales selon les critères RECIST. Six des 10 patients (60 %) ont sous traitement recapté l’iode : les 4 patients atteints de PTC à cellules hautes, 2 des 5 patients atteints de PTC d’architecture classique. Six mois après le traitement par I131, une réduction de taille des cibles tumorales a été observée chez 5 patients sur 6 avec une réponse partielle (une diminution de taille des lésions cibles supérieure ou égale à 30 %) chez 2 patients. Les 4 patients n’ayant pas répondu en termes de recaptage de l’iode au dabrafénib sont restés stables à 6 mois pour 3 d’entre eux, et l’un a progressé. Concernant la tolérance, les effets indésirables, tous attendus, ont été : lésions cutanées (80 %), fatigue (50 %), symptômes gastro-intestinaux (50 %), troubles hydro-électrolytiques (50 %), érythrodysesthésie palmo-plantaire (40 %), céphalées (30 %), perte de poids (20 %), épistaxis (20 %), élévation de la créatinine (20 %). Comme l’étude de A.L. Ho et al. (3) l’avait montré sous traitement par un inhibiteur de MEK (sélumétinib) dans les cancers thyroïdiens réfractaires à l’iode, un traitement par le dabrafénib, inhibiteur de BRAF, dans une population cette fois-ci spécifique de cancers thyroïdiens, PTC mutés BRAFV600E, peut dans certains cas permettre d’induire une redifférenciation, un recaptage de l’iode radioactif et un traitement efficace des patients. D’autres études sur de plus grands effectifs, une plus grande durée et éventuellement combinant plusieurs traitements sont nécessaires pour confirmer ces données intéressantes concernant la prise en charge des PTC réfractaires à l’iode.
 

Références bibliographiques

  1. Chakravarty D, Santos E, Ryder M et al. Small-molecule MAPK inhibitors restore radioiodine incorporation in mouse thyroid cancers with conditional BRAF activation. J Clin Invest 2011;121(12):4700-11
  2. Rothenberg SM, McFadden DG, Palmer EL et al. Redifferentiation of Iodine-Refractory BRAF V600E-Mutant Metastatic Papillary Thyroid Cancer with Dabrafenib. Clin Cancer Res 2015;21(5):1028-35.
  3. Ho AL, Grewal RK, Leboeuf R et al. Selumetinib-enhanced radioiodine uptake in advanced thyroid cancer. N Engl J Med. 2013 Feb 14;368(7):623-32.

Traitement par évérolimus d’un cancer anaplasique de la thyroïde : de la réponse à la résistance au traitement
Julie Sarfati (Kremlin-Bicêtre)

D’après Wagle N, Grabiner BC, Van Allen EM et al. Response and acquired resistance to everolimus in anaplastic thyroid cancer. N Engl J Med 2014;371(15):1426-33.

L’évérolimus est un inhibiteur allostérique de mTor. Certains cancers sont sensibles à ces inhibiteurs.

Dans le New England Journal of Medicine du 9 octobre 2014, il a été rapporté le cas d’une patiente avec un cancer anaplasique de la thyroïde traitée par évérolimus dans le cadre d’un protocole.

Elle a eu une réponse majeure au traitement pendant 18 mois puis une résistance est apparue.

Pour comprendre cette sensibilité et l’apparition d’une résistance, un séquencage de l’exome de la tumeur a été réalisé avant le traitement et au moment de la résistance. Avant le traitement, la tumeur contenait une mutation non sens de TSC2. Ce gène contrôle la voie mTor et son inactivation entraîne l’activation de cette voie. Des mutations de ce gène avaient déjà été identifiées dans d’autres tumeurs et sont liées à la réponse au traitement.
D’autre part et de façon inédite, dans la tumeur résistante au traitement, il s’ajoute une mutation de MTOR. Cette mutation rendrait le traitement inefficace en empêchant la liaison sur la protéine de l’inhibiteur (études structurales et in vitro). Ainsi, pour la première fois, apparaît une explication à la sensibilité d’un traitement (présence d’une mutation activant cette voie) et sa résistance (apparition d’une mutation empêchant la liaison du traitement à la protéine).

L’amélioration de la compréhension des mécanismes de sensibilité et de résistance aux traitements anti-cancéreux va permettre la mise en place de traitements personnalisés adaptés au profil génomique de chaque tumeur.

L'actualité commentée

Le centenaire de la thyroxine
Jean-Louis Schlienger (Strasbourg)

La découverte de la thyroxine a 100 ans. C’est en 1915 que Edward C. Kendall (1886-1972), professeur de chimie physiologique à la Mayo Foundation, isola et cristallisa, après 4 ans d’efforts, 33 grammes de thyroxine à partir de près de 3 tonnes de thyroïde de porc (1). Sa découverte passa alors presque inaperçue. Il consacra néanmoins les 10 années suivantes à tenter d’établir la formule de la T4 sans y parvenir. C’est finalement le britannique Sir Charles Harrington (1897-1972) qui réussit le tour de force de proposer la bonne formule et de synthétiser la T4 (2). Ecœuré, E.C. Kendall abandonna la thyroïde pour se consacrer à la corticosurrénale et contribua à isoler la cortisone, ce qui lui valut de partager le prix Nobel de médecine en 1950 avec Tadeusz Reichstein. Toutefois l’effet thermogénique de la T4 synthétique était moindre que celui d’extraits thyroïdiens, suggérant l’existence d’un autre principe actif thyroïdien.

L’énigme ne sera résolue que 25 ans plus tard par 2 équipes qui se livrèrent à une véritable course de vitesse. En 1952, le groupe animé par Jean Roche (1901-1992) au Collège de France et l’équipe dirigée par Rosalind Pitt-Rivers (1907-1990) à Londres, mirent simultanément et indépendamment le doigt sur la triiodothyronine. La publication de Jean Roche, Serge Lissitsky (1919-1986) et Raymond Michel parue en français dans les compte-rendus de l’Académie des sciences fut occultée au bénéfice de celle de R. Pitt-Rivers qui parut dans le Lancet 2 semaines seulement après avoir été soumise… ! Cette dernière bénéficia de l’expérience d’un post-doctorant de la Mc Gill, Jack Gross, qui avait appris à manipuler les isotopes de l’iode auprès de son maître Charles Leblond, ancien compagnon de travail de Frédéric Joliot-Curie au Collège de France. La compétition entre les 2 groupes ne s’arrêta pas là. Chacun se lança dans l’étude du métabolisme des hormones thyroïdiennes et dans la recherche d’analogues plus actifs. Les Français affirmèrent que la T3 provenait d’une synthèse thyroïdienne à partir de mono- et di-idothyronines cependant qu’Outre-Manche on était persuadé que la T3 était issue d’une désiodation périphérique de la T4. La course aux analogues fut assez peu glorieuse. S. Pitt-Rivers, aidée d’Odette Thibault du laboratoire de physiologie de la Sorbonne, prétendit que les métabolites de l’acide acétique, Tétrac et Triac, avaient un effet plus rapide que celui de T4 et de T3, mais ses résultats firent long feu car ils ne purent être confirmés…

La description des premiers cas de syndrome de résistance aux hormones thyroïdiennes par S. Refetoff en 1967, la démonstration de la conversion de T4 en T3 chez des sujets athyréotiques par L.E. Bravermann en 1970 et l’identification des récepteurs nucléaires de T3 par JH Oppenheimer en 1972 furent les autres grandes étapes de l’histoire des hormones thyroïdienne débutée il y a 100 ans.

Références bibliographiques

  1. Kendall EC. Landmark article, June 19, 1915. The isolation in crystalline form of the compound containing iodin, which occurs in the thyroid. Its chemical nature and physiologic activity. By E.C. Kendall. JAMA. 1983;21;250(15):2045-6.
     
  2. Harrington CR : Chemistry of thyroxine : 1) Isolation of thyroxine 2) Conctitution and synthesis of thyroxine. Biochem J 1926;20:293 et 1927;21:169.