Gestion de la calcémie et chirurgie valvulaire chez une patiente avec hypothroïdie et hypoparathyroïdie


Question du Pr. C. (Casablanca- Maroc):
Je sollicite votre avis à propos d’une patiente de 44 ans qui est proposée pour un remplacement valvulaire mitral.
Elle a un récent antécédant de thyroidéctomie et elle est en hypothroidie et hypoparathyroidie. Elle est admise en cardiologie en crise avec hypocalcémie profonde.
Son traitement comprend : Lévothyrox ( euthyroidie clinique et biologique), Calcidia, Magnesium Lasilix. Nous sollicitons votre aide pour la gestion périopératoire de cette patiente, vu le risque important de dyscalcémie et vu la CEC et les transfusions. )

Réponse de P. Houillier (Paris) et F. Tremoilieres (Toulouse):
Il n’est pas possible de donner des avis médicaux sans avoir examiné le patient ni avoir accès à son dossier complet. Aussi les précisions ci-dessous sont données à titre général et ne prétendent pas être adaptées au cas précis que vous nous exposez par mail.
La partie la plus simple de votre question concerne le contrôle de la calcémie en période péri-opératoire. Le seul moyen réaliste est de mettre en place une perfusion continue de chlorure de calcium (et éventuellement de chlorure de magnésium) et d’adapter le débit pour avoir une calcémie et une magnésémie normales.
La seconde partie concerne la prise en charge au long cours : Là, le manque de précisions empêche une réponse précise.
1. sur quoi repose le diagnostic d’hypoparathyroïdie : la PTH a t-elle été mesurée en période d’hypocalcémie ? Quelle est la valeur ? S’agit-il d’une hypo ou d’une aparathyroïdie ?
2. S’il s’agit bien d’une insuffisance parathyroïdienne, y a t-il une part fonctionnelle due à une dépéltion en magnésium ? Si oui, il faut évidemment la corriger.
3. Si non, le traitement au long cours repose (pour l’instant) sur l’association d’apports de calcium par voie orale et de métabolite actif de la vitamine D (alfacalcidol ou calcitriol) puisqu’il est rare qu’on arrive à contrôler uniquement avec un apport de calcium. Le traitement uniquement à base de Calcidia n’est probablement pas ce qu’on peut faire de mieux. La dose qu’elle semble recevoir (4 sachets de calcidia = à peu près 6 g de Ca-élément /jour) nous étonne : si elle les prend, elle est exposée à un risque majeur d’hypercalciurie, puis de lithiase puis de néphrocalcinose. En général, on arrive à contrôler la situation avec moins de 2 g de Ca-élément par jour ; pour cela, il vaut mieux utiliser des conditionnements moins dosés que le Calcidia qui permettent de répartir les doses sur la journée (comprimés à 500 mg de Ca, par exemple). Concernant le métabolite de la vitamine D, l’alfacalcidol a une pharmacocinétique plus favorable dans cette indication que le calcitriol. Un à 1,5 µg/jour, parfois moins, suffit en général.
Elle prend du Lasilix pour sa cardiopathie ; dès qu’elle pourra s’en passer, il faudra l’arrêter puisqu’il est hypercalciuriant.
L’objectif de ce traitement n’est pas de rendre la patiente normocalcémique : il est de trouver les plus faibles doses qui lui permettent d’être asymptomatique et d’éviter l’hypercalciurie problématique (essayer de maintenir la calciurie des 24 h à moins de 6 ou 7 mmol).
Les apports sodés ont une importance : plus ils sont élevés, moins le tubule rénal est capable de réabsorber le calcium et plus le contrôle de la calcémie (et de la calciurie) est difficile.
La surveillance au long cours concerne lerein (imagerie et créatininémie) et le cristallin (risque accru de cataracte).
Dans quelques temps, on devrait pouvoir traiter ces patients par de la PTH recombinante humaine (elle existe, en fait, mais n’est pas, réglementairement, disponible pour cette indication).

Par ailleurs, il paraitrait indispensable de débuter avant la chirurgie (et d’autant qu’il s’agit d’une chirurgie de remplacement valvulaire, donc réglée et non dans l’urgence à priori (?), le traitement par dérivés de la vitamine D (en association avec les apports calciques, qui n’ont effectivement la plupart du temps jamais besoin d’être supérieur à 2 gr./j). Si cette patiente présente une hypoparathyroïdie post-chirurgicale probablement sévère, il semble nécessaire de proposer des posologies d’au moins 3 micro-gr/j d’alfacacidol et de diminuer les apports calciques au termes de 10 à 15 jours ou en fonction de l’évolution de la calcémie, pour ne pas risquer d’induire d’hypercalcémie. Comme déjà précisé l’objectif n’est pas de normaliser la calcémie mais de maintenir un niveau dans les valeurs basses de la normale, qui se fera de tout façon toujours au détriment d’une hypercalciurie obligatoire avec l’utilisation des dérivés de la vitamine D.

Pascal Houillier – Département de Physiologie – Hôpital Européen Georges Pompidou et Florence Trémollieres – Centre de Ménopause Hôpital Paule de Viguier CHU de Toulouse – Mars 2010