La Lettre du GTE
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Sommaire Lettre N°4 - Mars 2012
   

[ÉDITORIAL] Enquête de pratique Intergroupe : GTE/PRODIGE : nous comptons sur vous pour inclure dans ce registre !
Prise en charge des carcinomes endocrines peu différenciés

Thomas Walter, Guillaume Cadiot

[CAS CLINIQUE]
Un message simple au sujet des NEM1: dépistage dès l'âge de 10 ans des tumeurs pancréatiques
Brigitte Delemer, Arnaud Murat, Pierre Goudet

[MISE AU POINT SUR...]
La survenue de paragangliomes et de phéochromocytomes après transmission maternelle d'une mutation de SDHD est maintenant confirmée
Pascal Pigny

Calcitonine sous pentagastrine : un "nouveau" critère pour décider du moment de la thyroïdectomie chez les patients à risque de cancer médullaire de la thyroïde, quelle que soit leur mutation de RET ?
Olivier Chabre

[L'ACTUALITÉ COMMENTÉE]
Le carcinome parathyroïdien
Delphine Vessozi

[ÉCHOS DES CONGRÈS]
En direct de l'ENETS (8 et 9 mars 2012, Copenhague)
Régis Cohen

   
Éditorial

Enquête de pratique Intergroupe : GTE/PRODIGE : nous comptons sur vous pour inclure dans ce registre !
Prise en charge des carcinomes endocrines peu différenciés
Thomas Walter, Guillaume Cadiot, investigateurs (Reims)

Objectifs de la cohorte

• Objectif principal

Description de l’évolution et de la prise en charge des carcinomes endocrines peu différenciés (CEPD) [notamment après chimiothérapie adjuvante, première ligne métastatique et après échec de la chimiothérapie de référence].

• Objectifs secondaires

• Survie globale.
• En cas de chimiothérapie : toxicité, survie sans progression, réponse tumorale et temps jusqu’à progression après réponse objective.
• Description de la prise en charge des patients n’ayant pas reçu de chimiothérapie.

Schéma de l'étude

Cohorte prospective et multicentrique.

Critères d’inclusion

• CEPD prouvé histologiquement (catégorie 3 de la classification OMS 2010) [toutes localisations].
• Âge ≥ 18 ans.
• Patient ayant reçu une note écrite d’information de participation libre et éclairée.

Critères d'exclusion

• Carcinome pulmonaire à petites cellules.
• Tumeur mixte (catégorie 4 de la classification OMS 2010).
• Antécédent de pathologie maligne dans les 5 dernières années, à l’exception des carcinomes basocellulaires de la peau et des carcinomes in situ du col utérin.
• Suivi impossible.

Renseignements

Adresse Internet : http://www.cepd.fr. Utiliser le navigateur Firefox. Ne pas utiliser Internet Explorer.
Renseignements scientifiques : thomas.walter@chu-lyon.fr; gcadiot@chu-reims.fr
Renseignements techniques : martina.schneider@u-bourgogne.fr

Commentaire

L’inclusion est prospective (nouveaux patients) ou rétrospective (patients déjà pris en charge). Sachant qu’une note d’information est remise aux patients, seuls les patients vivants peuvent être inclus rétrospectivement. Pour la fiabilité du recueil de données, la date limite d’inclusion rétrospective était le 1er janvier 2010.
La chimiothérapie de référence de première ligne suggérée est l’association cisplatine + vépéside. La chimiothérapie de seconde ligne proposée est le Folfiri. Un patient inclus dans un autre essai clinique ou recevant d’autres types de traitement peut être enregistré dans cette étude de cohorte.
Nous espérons que cette cohorte donnera des informations sur l’histoire “naturelle” des rares CEPD localisés opérés, sur l’efficacité de la première ligne de chimiothérapie et d’une seconde ligne (préférentiellement Folfiri), sur la survie à long terme (certains patients ayant des survies prolongées), sur les facteurs histopronostiques et sur bien d’autres choses encore.
L’inclusion, ouverte à tous, est très simple. Il suffit de s’inscrire sur le site www.cepd.fr. Le questionnaire CRF (case report form) a été conçu pour être facile et rapide à remplir.
Nous comptons vraiment sur vous !

Cas clinique

Un message simple au sujet des NEM1 : dépistage dès l'âge de 10 ans des tumeurs pancréatiques
Brigitte Delemer (Reims), Arnaud Murat (Nantes), Pierre Goudet (Dijon)

Les tumeurs non sécrétantes du pancréas (TNSP) des néoplasies endocriniennes multiples de type 1 (NEM1) apparaissent insidieusement au cours de la maladie, car elles sont généralement asymptomatiques. Le registre des NEM1 du Groupe d'études des tumeurs endocrines (GTE) a colligé 14 cas de TNSP détectées avant l’âge de 21 ans sur 1 076 NEM1 avérées ou présymptomatiques : 5 patients âgés de 11 à 15 ans (dont 4 opérés du fait de la taille de la tumeur), et 9 âgés de 16 à 20 ans (dont 1 opéré). Treize des 14 cas (93 %) étaient des patients suivis régulièrement par imagerie (figure). Dans 3 cas (21 %), cette tumeur marquait l’entrée dans la maladie en étant la première atteinte détectée dans une démarche de dépistage chez des jeunes asymptomatiques. Le GTE, dans son livret de mai 2006, recommande la première imagerie du pancréas par échographie transpariétale entre l’âge de 10 et 15 ans. Compte tenu de la sanction chirurgicale possible, ces données plaident en faveur de la première échographie à partir de 10 ans chez les patients présymptomatiques, même en l’absence d’hyperparathyroïdie.

Figure

Figure. Patient asymptomatique de 16 ans au bilan hormonal normal. Pancréatectomie gauche. Tumeur neuroendocrine bien différenciée de 4 cm de malignité incertaine, et carcinome bien différencié de 1,2 cm. (Imagerie aimablement fournie par le Dr Arnaud Murat).

Mise au point sur...

La survenue de paragangliomes et de phéochromocytomes après transmission maternelle d'une mutation de SDHD est maintenant confirmée
Pascal Pigny (Lille)

Les phéochromocytomes et les paragangliomes sont des tumeurs rares qui se développent aux dépens des cellules issues de la crête neurale : cellules chromaffines de la médullosurrénale pour les premiers, paraganglions sympathiques thoraco-abdominaux ou paraganglions parasympathiques de la tête et du cou pour les seconds (1). La prévalence des formes familiales de ces tumeurs est élevée, proche de 25 % pour les phéochromocytomes, variant de 30 à 54 % pour les paragangliomes, selon les études et l’étendue de l’étude génétique moléculaire. En effet, les gènes de prédisposition à ces tumeurs sont nombreux : 11 à ce jour. Les données de corrélation génotype-phénotype disponibles permettent de les subdiviser en 4 groupes : gènes prédisposant uniquement à des phéochromocytomes héréditaires : RET, MAX ; gènes prédisposant à des phéochromocytomes et/ou à des paragangliomes abdominaux : VHL, NF1 ; gènes prédisposant à des phéochromocytomes et/ou à des paragangliomes abdominaux et/ou de la tête et du cou : SDHD, SDHB, SDHC, SDHAF2, TMEM127 ; gènes prédisposant à des combinaisons rares : phéochromocytome et neuroblastome : KIF1B, paragangliome et polyglobulie : PHD2.
Pour la majorité de ces gènes, le mode de transmission génétique est autosomique dominant, mais pour 2 d’entre eux, SDHD localisé en 11q23 et SDHAF2, découvert récemment et localisé en 11q13, la notion d’empreinte parentale a été évoquée. Concernant SDHD, pour lequel le recul est plus important, les données cliniques obtenues sur de grandes cohortes de patients et d’apparentés (2) ou sur quelques familles sur plusieurs générations (3) montrent en effet l’absence de survenue de paragangliomes en cas de transmission maternelle d’une mutation pathogène de SDHD. Ces données, évocatrices d’un phénomène d’empreinte parentale, ont conduit à la recommandation d’exclure de toute surveillance les apparentés ayant reçu une mutation pathogène de SDHD de leur mère. Néanmoins, ces données cliniques émanant de différents groupes internationaux sont en désaccord avec les données moléculaires, qui montrent que :
• la région 11q23 où est localisé SDHD n’est pas une région chromosomique soumise à empreinte parentale ;
• de nombreux tissus expriment les 2 allèles de SDHD en violation avec le phénomène d’empreinte qui conduit, par marquage différentiel des 2 allèles, à une expression monoallélique. Par exemple, pour la région 11p15.5 soumise à empreinte, IGF2 est exprimé à partir de l’allèle paternel, tandis que H19 l’est à partir de l’allèle maternel (figure).

Figure

Figure. Région 11p15.5 des allèles paternel et maternel.

Pour expliquer ces discordances, Hensen et al. (4) ont proposé un modèle requérant l’inactivation simultanée de 2 gènes suppresseurs de tumeurs, SDHD d’expression biallélique et H19 soumis à empreinte. Ce phénomène est possible en cas de mutation de SDHD d’origine paternelle associée à une perte complète du chromosome 11 d’origine maternelle, qu’ils ont retrouvé dans tous les paragangliomes au niveau somatique.
En 2008, nous avions eu la chance de prendre en charge une famille atteinte de paragangliomes héréditaires liés à une mutation de SDHD (5). À la troisième génération, l’un des fils, qui avait reçu la mutation pathogène de sa mère, a développé à l'âge de 11 ans un paragangliome tympanique qui a été diagnostiqué par imagerie. La tumeur ayant été embolisée, nous ne disposions pas de preuve histologique de la lésion. Néanmoins, nous avons dès cette date proposé de ne pas exclure trop vite de la surveillance les enfants ayant reçu une mutation de SDHD de leur mère.
Tout récemment, une équipe écossaise (6) a rapporté la survenue d’un phéochromocytome histologiquement prouvé à l’âge de 26 ans chez un homme ayant hérité de sa mère une mutation P81L de SDHD. Aucune autre tumeur n’est apparue lors de sa surveillance. Sur le plan moléculaire, ces auteurs montrent la persistance, dans la tumeur, de la région maternelle 11q23 – comprenant le gène SDHD muté – et la perte de la région 11p15.5 maternelle – comprenant la copie transcrite de H19.
En conclusion, ces nouvelles données, en accord avec nos données initiales (5), montrent que la survenue d’un phéochromocytome ou d’un paragangliome, bien que rare, est possible en cas de transmission maternelle d’une mutation de SDHD. L’exclusion de ces patients de toute surveillance est donc à reconsidérer.

Références bibliographiques

1. Pigny P, Cardot-Bauters C. Genetics of pheochromocytoma and paraganglioma: new developments. Ann Endocrinol (Paris) 2010;71:76-82.
2. Burnichon N, Rohmer V, Amar L et al. The succinate dehydrogenase genetic testing in a large prospective series of patients with paragangliomas. J Clin Endocrinol Meta 2009;94:2817-27.
3. Hensen EF, Jansen JC, Siemers MD et al.The Dutch founder mutation SDHD.D92Y shows a reduced penetrance for the development of paragangliomas in a large multigenerational family. Eur J Hum Genet 2010;18:62-6.
4. Hensen EF, Jordanova ES, van Minderhout IJ et al. Somatic loss of maternel chromosome 11 causes parent-of-origin-dependent inheritance in SDHD-linked paraganglioma and phaechromocytoma families. Oncogene 2004;23:4076-83.
5. Pigny P, Vincent A, Cardot-Bauters C et al. Paraganglioma after maternal transmission of a succinate dehydrogenase gene mutation. J Clin Endocrinol Metab 2008;93:1609-15.
6. Yeap PM, Tobias ES, Mavraki E et al. Molecular analysis of pheochromocytoma after maternal transmission of SDHD mutation elucidates mechanism of parent-of-origin effect. J Clin Endocrinol Metab 2011;96:E2009-13.

 

Calcitonine sous pentagastrine : un "nouveau" critère pour décider du moment de la thyroïdectomie chez les patients à risque de cancer médullaire de la thyroïde, quelle que soit leur mutation de RET ?
Olivier Chabre (Grenoble)

Commentaires sur l’article (1)

Cet article de l’équipe de Pise pose la question suivante, qui semblera peut-être tomber sous le sens et rappeler de vieux souvenirs : chez tout patient porteur d’une mutation germinale de RET, peut-on attendre que la calcitonine, mesurée après un test à la pentagastrine, devienne détectable (> 10 pg/ml) avant de proposer une thyroïdectomie ?
Pour répondre à cette question – à laquelle on a très envie de répondre, oui, avec dans la voix la nostalgie du temps où la pentagastrine était encore disponible en France et pas seulement en Italie  –, les auteurs présentent les données d’une étude ayant inclus 84 patients RET+, comprenant une étude prospective d’un groupe de 36 patients qui, initialement, avaient une calcitonine inférieure à 10 pg/ml à l’état basal, et sous pentagastrine.
Le test n’était positif que chez 4 de ces 36 patients (calcitonine >10 pg/ml) qui ont été opérés d’un micro-cancer médullaire de la thyroïde (micro-CMT) pour lequel ils restent en rémission complète ; il est resté négatif pour les 32 autres, après un suivi moyen de 4 ans.
Par ailleurs, parmi les 53 patients de cette étude qui ont été opérés (d’emblée ou après un suivi), 31 avaient un test à la pentagastrine positif, en gardant une calcitonine basale inférieure à 10 pg/ml : 6 avaient une hyperplasie des cellules C, et 25 un micro-CMT sans envahissement ganglionnaire ; tous restent en rémission complète après un suivi moyen de 7,5 ans.
Ainsi, sans beaucoup de surprise, les auteurs concluent qu’il est préférable de ne pas opérer les patients porteurs de mutation RET chez qui le test à la pentagastrine reste négatif, et d’attendre pour les opérer que celui-ci devienne positif. Les auteurs affirment que c’est vrai quel que soit le type de mutation de RET, y compris les mutations les plus agressives.
Cet article enfonce-t-il des portes déjà ouvertes dans les années 1970 à 1990, avant la génétique, ou bien, au contraire, bouscule-t-il les recommandations de l’ATA (American Thyroid Association) [2] (cf. annexe et recommandations de l’Institut national du cancer, réalisées par le GTE [3]) ?
Mon opinion est que, pour les mutations peu agressives (type A et B de l’ATA , cf. annexe), cet article ne modifie pas vraiment l’attitude déjà proposée par l’ATA ; mais il a l’intérêt de souligner que, à la condition d’un suivi régulier, il est très probable que la majorité des patients présentant une mutation peu agressive peuvent être opérés bien après l’âge de 5 ans que recommande l’ATA. Il est bon de rappeler que l’ATA permettait déjà de différer la chirurgie après 5 ans si la calcitonine basale ou sous pentagastrine était négative, mais cette formulation donnait l’impression qu’il s’agissait d’une exception, alors que cet article et d’autres montrent que c’est sans doute plutôt la règle.

En revanche, l’enthousiasme des auteurs va sans doute trop loin lorsqu’ils affirment que leurs conclusions vont aussi permettre de modifier la stratégie de prise en charge des patients porteurs de mutations agressives (type C et D), et cela pour une raison très simple : il n’y a, dans cet article, que 2 exemples pertinents de patients avec une mutation de type C : l'un, âgé de 7 ans, porteur d’une mutation de type C avec un test à la pentagastrine négatif, suivi pendant 2 ans, et l'autre qui, à 15 ans, a encore une calcitonine basale inférieure à 10 pg/ml, mais une calcitonine sous pentagastrine égale à 32 pg/ml.
Or, les auteurs semblent oublier que, dans les grandes études, les mutations de type C sont de très loin les plus fréquentes, constituant jusqu’à 63 % de l’effectif de la plus grande série de patients RET publiée dans la littérature (4), avec une prévalence de 63 % du micro-CMT à l’âge de 5 ans (5). Dans une série de 5 enfants porteurs d’une mutation de type C, tous avaient, avant l’âge de 5 ans, une calcitonine sous pentagastrine supérieure à 10 pg/ml, et 3 d’entre eux avaient une calcitonine basale déjà pathologique (6).
Les auteurs de Pise ont donc un recrutement anormalement faible de ce type de mutation, et ils ne se rendent pas compte que leurs 2 patients sont plutôt l’exception que la règle, même s’il est montré que ces rares patients existent et peuvent bénéficier d’une chirurgie à un âge plus tardif que celui recommandé par l’ATA, à condition d’être suivis par un test à la pentagastrine.
La question devient alors pratique : que faire des résultats de cet article lorsque, comme en France, on n’a plus de pentagastrine à sa disposition ? Ici, il est intéressant de revenir à l’article pour examiner les résultats des patients initialement opérés avec une calcitonine basale supérieure à 10 pg/ml (il ne s’agit plus du groupe de patients avec test à la pentagastrine négatif suivis en prospectif).
Les auteurs constatent que les 7 patients avec une calcitonine basale supérieure à 10 pg/ml mais inférieure à 60 pg/ml sont porteurs d’un CMT T1N0M0, en rémission complète jusqu’à la fin du suivi dans tous les cas. Certes, le nombre de patients reste faible, mais ces résultats rejoignent ceux de 2 études beaucoup plus importantes : celle du GTE (7) et celle de H. Dralle et al. (8), qui, toutes 2, retrouvent un taux de CT en dessous duquel le risque de métastase ganglionnaire, et donc de non-guérison par thyroïdectomie, semble inexistant, les valeurs de ce seuil étant de 31 pg/ml dans la première étude et de 20 pg/ml dans la seconde.
Au total, cet article attire l’attention sur un point sans doute déjà connu par les cliniciens, qui ont en charge des familles de CMT avec des mutations peu agressives : beaucoup ne révèlent une maladie significative que bien après l’âge de 5 ans. Cependant, comme il s’agit de ne pas “rater” les rares enfants qui révéleraient précocement un CMT, le suivi annuel de ces enfants reste indispensable.
La question est alors de savoir si l’on peut se contenter d’un suivi sur la calcitonine basale plutôt que stimulée, et de fixer alors un seuil de calcitonine basale de 10 pg/ml (avec dépassement du seuil depuis au plus 1 an, ce qui suppose que le suivi est réellement régulier) pour proposer une chirurgie cervicale qui pourrait se limiter à une thyroïdectomie totale, sans curage ganglionnaire. Les résultats des études du GTE (7) et de H. Dralle et al. (8) suggèrent que c’est une attitude raisonnable.

Annexe

Rappelons que les recommandations de l’ATA définissent 4 types de mutations de sévérité croissante, de A à D (2) :
• le type A (CMT familial isolé) correspond à des mutations prédisposant à un CMT relativement tardif et à un niveau très faible de phéochromocytome, pour lesquelles il est proposé une chirurgie thyroïdienne à 5 ans, qui peut être retardée si la calcitonine est indétectable à l’état basal plus ou moins stimulé ;

• le type B (MEN2A non 634) correspond à des mutations de cystéines, sauf la cystéine 634, qui constitue le type C. Le CMT survient plus tôt et le risque de phéochromocytome est significatif, mais les recommandations sont les mêmes : chirurgie thyroïdienne à 5 ans, sauf en cas de calcitonine normale ;
• le type C (MEN2A 634) correspond aux mutations de la cystéine 634, isolées pour 2 bonnes raisons : elles sont plus agressives, avec un CMT plus précoce et un risque de 50 % de phéochromocytome ; et elles représentent à elles seules la cause la plus fréquente de CMT familial, avec par exemple 63 % des patients de la plus grande étude sur les formes familiales de CMT (4). Ici, il est proposé de réaliser une thyroïdectomie avant l’âge de 5 ans et, point important, il n’est pas proposé de tenir compte de la calcitonine ;
• enfin, le type D correspond aux mutations MEN2B responsables des formes les plus précoces de CMT ainsi que des lésions spécifiques de MEN2B. La chirurgie est proposée avant l’âge de 1 an, et la mesure de la calcitonine n’intervient pas dans la décision.

Références bibliographiques

1. Elisei R, Romei C, Renzini G et al. The timing of total thyroidectomy in RET gene mutation carriers could be personalized and safely planned on the basis of serum calcitonin: 18 years experience at one single center. J Clin Endocrinol Metabol 2012;97:426-35.
2. Kloos RT, Eng C, Evans DB et al. Medullary thyroid cancer: management guidelines of the American Thyroid Association. Thyroid 2009;19:565-612.
3. Niccoli-Sire P, Carnaille B, Chabre O et al. Chirurgie prophylactique des cancers avec prédisposition génétique : cancer médullaire familial, néoplasie endocrinienne multiple de type 2. Recommandations et référentiels de l’Institut national du cancer. Téléchargeable gratuitement sur : www.e-cancer.fr. INCA Publication-diffusion : diffusion@institutcancer.fr
4. Machens A, Niccoli-Sire P, Hoegel J and al. Early malignant progression of hereditary medullary thyroid cancer. N Engl J Med 2003;349:1517-25.
5. Chabre O, Piolat C, Dyon JF. Childhood progression of hereditary medullary thyroid cancer. N Engl J Med 2007;356:1583-4.
6. Piolat C, Dyon JF, Sturm N et al. Very early prophylactic thyroid surgery for infants with a mutation of the RET proto-oncogene at codon 634: evaluation of the implementation of international guidelines for MEN type 2 in a single centre. Clin Endocrinol (Oxf) 2006;65:118-24.
7. Rohmer V, Vidal-Trecan G, Bourdelot A et al. Prognostic factors of disease-free survival after thyroidectomy in 170 young patients with a RET germline mutation: a multicenter study of the Groupe francais d’étude des tumeurs endocrines. J Clin Endocrinol Metab 2011;96:E509-18.
8. Machens A, Dralle H. Biomarker-based risk stratification for previously untreated medullary thyroid cancer. J Clin Endocrinol Metab 2010;95:2655-63.

L'actualité commentée

Le carcinome parathyroïdien
Delphine Vessozi (Toulouse)

Harari A, Waring A, Fernandez-Ranvier G et al. Parathyroid carcinoma: a 43-year outcome and survival analysis. J Clin Endocrinol Metab 2011;96:3679-86.

Le cancer parathyroïdien est une pathologie rare encore mal connue. Cette étude monocentrique a analysé rétrospectivement les dossiers des 37 patients suivis pour un cancer parathyroïdien à l’université de Californie, à San Francisco, entre 1966 et 2009. Vingt-trois hommes (62 %) et 14 femmes (38 %), avec un âge moyen au diagnostic de 53 ans (de 23 à 75 ans), ont été inclus.

Données préopératoires et lésions associées

Des antécédents familiaux d’hyperparathyroïdie étaient retrouvés chez 3 % des patients (1 sur 37). En revanche, aucun patient n’avait d’antécédents familiaux de carcinome parathyroïdien.
La calcémie préopératoire était de 14,1 mg/dl (de 9,8 à 24 mg/dl). Un patient était normocalcémique avant l’opération.
La taille de la tumeur primitive parathyroïdienne au diagnostic était de 3,1 cm (de 1,8 à 10 cm). La lésion parathyroïdienne était kystique chez 9 des 37 patients (24 %).
Six patients de cette étude ont bénéficié d’une cytoponction à l’aiguille fine avec dosage de la parathormone dans le liquide de rinçage. Cette cytoponction a intéressé la tumeur primitive chez 2 patients. Elle a permis de faire le diagnostic de masse parathyroïdienne, mais pas celui de malignité (dosage de parathormone élevé dans le liquide de rinçage, mais cytologie non contributive). Les auteurs recommandent donc de n’utiliser la cytoponction échoguidée qu’en cas de lésion thyroïdienne concomitante, afin d’éliminer un carcinome thyroïdien associé. En revanche, dans cette étude, la cytoponction à l’aiguille fine a intéressé un site métastatique chez 4 patients, permettant ainsi le diagnostic de métastase de carcinome parathyroïdien chez tous ces patients.
Un adénome parathyroïdien bénin était associé au carcinome parathyroïdien chez 22 % des patients (8 sur 37). Il précédait le diagnostic de carcinome parathyroïdien chez 2 patients sur 8 (25 %), était concomitant au carcinome parathyroïdien chez 2 autres, et survenait après la chirurgie du carcinome chez 4 autres (50 %). Les auteurs estiment qu’il est trop tôt pour conseiller l’exploration systématique des 4 parathyroïdes à la recherche d’un adénome parathyroïdien en cas de carcinome parathyroïdien. En revanche, il est important de garder en tête qu’une non-guérison ou une récidive de l’hypercalcémie postopératoire n’est pas synonyme de métastase parathyroïdienne, mais peut simplement être le fait d’un adénome parathyroïdien associé.

Chirurgie

Comme dans de nombreux autres cancers, réaliser la chirurgie initiale dans un centre expert permet de diminuer la mortalité. Il est donc actuellement conseillé, en cas de forte suspicion de carcinome parathyroïdien (en particulier si la calcémie est supérieure à 14 mg/l), d’envoyer le patient dans un centre expert, afin que la chirurgie soit réalisée par un opérateur entraîné.

Dans cette étude, associer une chirurgie thyroïdienne systématique à la parathyroïdectomie n’a pas d’influence sur la mortalité. L’œil du chirurgien en peropératoire est donc un élément déterminant dans la chirurgie du carcinome parathyroïdien : si le carcinome parathyroïdien ne semble pas envahir la thyroïde, il n’y a pas lieu de réaliser une chirurgie thyroïdienne associée. Si, en revanche, les tissus mous adjacents semblent envahis, une résection en bloc est proposée par les auteurs (lobo-isthmectomie, œsophage, trachée, nerf récurrent). Les adénopathies d’allure pathologique sont également enlevées dans le même temps opératoire.
Les complications postopératoires étaient fréquentes dans cette étude, décrites chez 60 % des patients avec, en particulier, une paralysie uni- ou bilatérale des cordes vocales dans 38 % des cas, et une hypoparathyroïdie transitoire ou permanente chez 21,6 % et 5,4 % des patients respectivement.

Contrôle de l’hypercalcémie

Trois patients ayant une hypercalcémie sévère ont bénéficié d’une résection de métastases à distance. Chez tous ces patients, la calcémie s’est améliorée. Ces résultats pourraient donc être en faveur de l’intérêt de l’exérèse des métastases dans le contrôle complet ou partiel de l’hypercalcémie.
Même s’il n’a pas été évalué dans cette étude, d’autres auteurs ont montré que le traitement médical, par exemple par cinacalcet, pouvait également réduire de façon significative le niveau calcémique chez les patients inopérables.

Radiothérapie externe

Il est difficile, dans cette étude, d’évaluer l’intérêt de la radiothérapie cervicale, puisque seuls 6 patients en ont bénéficié. Ce traitement n’était pas associé à une diminution de la mortalité. En revanche, 1 tumeur a significativement diminué après la radiothérapie.

Récidive et facteurs prédictifs de récidive

Le taux de récidive locale après la chirurgie initiale était de 49 % (18 patients sur 37), et la première récidive est survenue 29,9 mois après la première chirurgie. Le nombre de chirurgies cervicales était en moyenne de 3 (1-11).
Des métastases à distance sont apparues chez 27 % des patients (10 sur 37), en moyenne 6,3 ans après le diagnostic initial (0-14 ans).
Les facteurs prédictifs de récidive étaient la présence d’un envahissement ganglionnaire et de métastases à distance. L’âge, l’ethnie, le sexe et l’étendue de la résection chirurgicale ne sont pas associés à la récidive.

Survie médiane

La survie médiane était de 14,3 ans (10,5 à 25,7 ans), la survie à 5 ans de 78,3 % et la survie à 10 ans de 66,7 %.

Facteurs prédictifs de survie

Outre le fait que la chirurgie ait été réalisée dans un centre expert, la présence de métastases ganglionnaires ou à distance, une calcémie très élevée lors de la récidive, la nécessité de multiples traitements à visée anticalcique et le nombre de récidives locales étaient des facteurs associés à la mortalité.
En revanche, le sexe, l’ethnie, l’âge au diagnostic, la taille tumorale, le nombre de chirurgies cervicales, le délai avant la première récidive ainsi que l’extension de la chirurgie initiale ne sont pas corrélés à la mortalité.

Conclusion

Même si de nombreuses questions sur la prise en charge du carcinome parathyroïdien restent en suspens, cette étude a le mérite de donner quelques éléments de réponse au clinicien. Elle souligne tout d’abord la longue survie de ces patients au prix de chirurgies cervicales multiples. La nécessité de réaliser la chirurgie dans un centre expert est également mise en avant. En revanche, contrairement à ce qui avait été proposé antérieurement, la chirurgie thyroïdienne systématique ne semble pas indispensable.
L’absence d’intérêt de la cytoponction à l’aiguille fine sur la lésion primitive pour affirmer le diagnostic de malignité, ainsi que la fréquence des adénomes parathyroïdiens associés, sont également rapportées.
Il est enfin important de rappeler qu'une étude du GTE, coordonnée par le Dr C. Docao, du CHU de Lille, est en cours sur les carcinomes parathyroïdiens. Toutes les inclusions sont les bienvenues.

Echos des congrès

En direct de l'ENETS
(8 et 9 mars 2012, Copenhague)

Régis Cohen (Bobigny)

Le congrès de l’European Neuroendocrine Tumor Society (ENETS), qui s’est tenu à Copenhague les 8 et 9 mars, a été d’une grande richesse. Il a été notamment l’occasion de la publication, en février 2012, des recommandations de cette société pour la prise en charge des tumeurs endocrines (ENETS 2011 Consensus Guidelines for the Management of Patients with Digestive Neuroendocrine Tumors). De nombreuses mises au point et interviews sont disponibles sur springerenets.com (code ENETS).

L’imagerie

Il s’agit d’un domaine où les choix d’imagerie vont être nombreux dans les années à venir.
En première intention, le scanner avec temps artériel précoce (ou l’entéroscanner, pour les tumeurs du grêle) semble être l’examen de choix pour la tumeur primitive (83 % d’entre elles sont vasculaires). L’échoendoscopie et les scintigraphies aux analogues de la somatostatine sont souvent demandées dans le bilan initial, selon la localisation et l’extension de la tumeur. L’IRM avec séquence de diffusion est intéressante pour l’étude des métastases hépatiques. L’analyse des lésions sous traitements ciblés est difficile, car la tumeur peut garder le même volume, mais prendre différents aspects (ce qui témoigne d’une nécrose). Dans ce contexte, le choix des critères d’évaluation est problématique.
L’échoendoscopie permet de localiser de petites tumeurs à proximité de l’estomac (duodénum, pancréas, foie), et d’en faire un prélèvement histologique. Trois avancées en cours d’évaluation pourraient aider le clinicien : la possibilité de faire le Ki67 sur la cytoponction, le tatouage de la tumeur avant la chirurgie, et enfin l’alcoolisation pour le traitement.
L’importance du choix des techniques d’imagerie fonctionnelle pour une meilleure efficacité diagnostique, pronostique et pour le suivi nécessite plus d’études comparatives. Ces techniques présentent cependant un inconvénient : leur coût, avec la recherche du meilleur rapport qualité/prix.
La liste non exhaustive de ces techniques comprend :
• la scintigraphie aux analogues de la somatostatine,
• la scintigraphie au GLP1 marqué pour l’insulinome (expérience sur 30 patients),
• le PET scan avec différents marqueurs analogues de la somatostatine marqués au 68Ga, 18F-dihydroxyphenylalanine PET (18F-DOPA) et 18F-deoxyglucose PET (18F-FDG).
Le PET scan est supérieur aux scintigraphies aux analogues de la somatostatine. Le PET scan au 18F-FDG, en cas de fixation, pourrait témoigner d’une agressivité plus importante de la tumeur. Le PET scan au 18F-DOPA se fixe à certaines tumeurs endocrines digestives.
La place de chacune de ces techniques et l’intervalle entre les évaluations selon les tumeurs restent à préciser.

La prise en charge des NEM1

Dans 20 % des cas, le diagnostic génétique est négatif en cas de NEM1 dont la définition reste clinique. L’hyperparathyroïdie est toujours l’affection la plus fréquente, mais c’est souvent la tumeur pancréatique qui en fait le pronostic.
L’hyperparathyroïdie de la NEM1 touche toutes les glandes à un âge précoce (autour de 20 à 25 ans). Elle est le plus souvent asymptomatique, sauf sur le plan osseux, car la ménine mutée aggrave l’ostéoporose. L’âge et le type de chirurgie pour éviter la récidive, qui représente 50 % des cas, sont encore discutés. Deux méthodes sont envisagées : la parathyroïdectomie de 3 glandes et demie sur 4, ou la parathyroïdectomie totale avec greffe brachiale. Dans tous les cas, la thymectomie est indispensable pour prévenir la grave survenue d’une tumeur thymique. L’âge reste encore fonction de la symptomatologie, et pour le moment, repose sur les recommandations générales des hyperparathyroïdies primaires.
Pour les tumeurs duodénopancréatiques non fonctionnelles, la taille de 2 cm reste toujours d’actualité lorsque la chirurgie est envisagée. Au-delà de ce seuil, il y a un risque de métastase de 34 % (versus 14 %). La localisation peut parfois mettre en balance le risque opératoire et la survie. Il a été rappelé que cette taille, déterminée sur le risque de métastases hépatiques, pouvait être discutée au cas par cas, notamment pour les gastrinomes, qui sont malins dans 60 à 85 % des cas.

Discussion autour de la nouvelle classification des tumeurs

En 2010, l’Organisation mondiale de la santé a établi de nouvelles classifications pronostiques (tableau). Ce congrès a montré, études à l’appui, la faiblesse de certaines bornes. Notamment, la borne des 2 % pourrait, pour certains, être élevée à 5 %. La catégorie G2 recouvre une trop large zone de tumeurs avec des pronostics différents. Dans le groupe G3, il existe des sous-groupes avec un meilleur pronostic.

Grade Indice mitotique (pour 10 CFG) Indice de prolifération Ki67 (%)
G1 < 2 ≤ 2
G2 2-20 3-20
G3 > 20 > 20

Tableau. Grade tumoral selon l’ENETS.

Les nouvelles thérapeutiques

Les nouveaux traitements ont fait l’objet de nombreuses mises au point. On a précisé les indications des thérapies ciblées pour les tumeurs endocrines en rappelant que, selon les pays, elles sont données en première ou en deuxième intention. La radiothérapie métabolique semble donner de bon résultats, mais elle est réservée à certains centres.
Le telotristat etiprate, inhibiteur de la synthèse de la sérotonine, pourrait avoir un intérêt dans les tumeurs carcinoïdes réfractaires.
Enfin, retenez la date du 10 novembre 2012, Journée mondiale des cancers et tumeurs endocrines (netcancerday.org).

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