La Lettre du GTE
Sommaire Lettre N°2 - Octobre 2011
   

[ÉDITORIAL] Troisième symposium international sur les phéochromocytomes et paragangliomes
Anne-Paule Gimenez Roqueplo

[L'ACTUALITÉ COMMENTÉE]
Tumeurs neuroendocrines sporadiques du pancréas : des mutations causales ? - Arnaud Murat
Valeur pronostique de l'analyse du Ki67 dans les tumeurs endocrines - Anne Couvelard
Relations phénotype-génotype pour la mutation p.G533C - Régis Cohen

[MISE AU POINT SUR...] Validation du rôle pronostique de la classification TNM (UICC/AJCC, 7eédition) pour les tumeurs neuroendocrines pancréatiques - Emmanuel Mitry, Jean-Yves Scoazec

   
Éditorial

Troisième symposium international sur les phéochromocytomes et paragangliomes
Anne-Paule Gimenez Roqueplo (Paris)

Le troisième symposium international sur les phéochromocytomes et paragangliomes (ISP 2011) s'est déroulé à Paris du 14 au 17 septembre. Cette réunion, volontairement multidisciplinaire, est organisée par PRESSOR (pressor.org). L'ISP 2011 a accueilli 213 participants venus de 28 pays. Depuis le dernier ISP, qui s'était tenu à Cambridge en 2008, d'importants progrès ont été effectués.
Les avancées apportées par la génétique étaient le thème principal de la conférence introductive de Hartmut Neumann (Allemagne) et de la vue d'ensemble dressée par Giuseppe Opocher (Italie). Après l'identification des gènes majeurs (RET, NF1, VHL, SDHB, SDHD et SDHC), 4 nouveaux gènes de prédisposition ont été identifiés entre 2009 et 2011 (SDHAF2, TMEM127, SDHA et MAX). Les étapes ayant permis leur identification et la caractérisation des patients porteurs des mutations ont été présentées par Patricia Dahia (États-Unis), Mercedes Robledo (Espagne) et Nelly Burnichon (France). Pour orienter le test génétique, des outils ont été validés, comme le profil de sécrétion décrit par Graeme Eisenhofer (Allemagne) et les études immunohistochimiques menées sur la pièce opératoire exposée par Ronald de Krijger (Pays-Bas).
En plus des progrès sensibles de l'imagerie apportés par les traceurs TEP présentés par Karel Pacak (États-Unis) et Henri Timmers (Pays-Bas), des progrès significatifs ont été effectués en matière thérapeutique. La morbidité de la chirurgie est maintenant réduite par l'utilisation de la voie cœlioscopique décrite par Pier Francesco Alesina (Allemagne) pour les paragangliomes abdominopelviens et par la réflexion pluridisciplinaire décrite par Henning Dralle (Allemagne), ce qui permet de choisir le traitement adéquat (chirurgie et/ou radiothérapie) pour les paragangliomes de la tête et du cou.
Le phéochromocytome/paragangliome malin est une maladie rare et orpheline, mais Ashley Grossman (Angleterre) a clairement montré comment les études de génétique somatique menées sur ces tumeurs ont apporté des informations importantes sur leur tumorigenèse, soulevant l'espoir de nouvelles thérapeutiques pour les patients, qui étaient aussi présents à l'ISP 2011 via leurs associations PheoPara Alliance, Pheo Para Troopers et VHL Family Alliance. L'hypothèse de l'efficacité d'un traitement antiangiogénique dans les formes malignes SDHB déterminées a été confortée. Elle va être testée lors du premier essai international randomisé lancé pour le phéochromocytome/paragangliome malin (FIRSTMAPPP).
Les comptes-rendus de l'ISP 2011 seront publiés en 2012 dans les revues Human Metabolic Research et Endocrine Pathology. L'ISP 2014 se déroulera à Kyoto (Japon).

L'actualité commentée

Tumeurs neuroendocrines sporadiques du pancréas : des mutations causales ?
Arnaud Murat (Nantes)

Jiao Y, Shi C, Edil BH et al. DAXX/ATRX, MEN1 and mTOR pathway genes are frequently altered in pancreatic neuroendocrine tumors. Science 2011;331(6021):1199-203.

Les tumeurs neuroendocrines du pancréas (TNEP) sont rares et représentent la seconde cause de néoplasie pancréatique. La survie des patients n'est que de 40 % à 10 ans. Les TNEP peuvent certes survenir dans un contexte de néoplasie endocrine multiple de type 1 (NEM1) et, plus rarement, de maladie de von Hippel-Lindau, de neurofibromatose de von Recklinghausen ou de sclérose tubéreuse de Bourneville, mais sont le plus souvent sporadiques. Les TNEP non fonctionnelles (sans symptôme lié à une production de peptides ou d'amines) sont souvent, et logiquement, diagnostiquées à un stade tardif : masse abdominale, douleurs abdominales en cas de volumineuse tumeur compressive, stade métastatique. Si leur évolution est le plus souvent lente, ce n'est pas toujours le cas. La résection chirurgicale est le traitement de choix mais n'est pas toujours possible. La chimiothérapie est le traitement de première intention des carcinomes endocrines pancréatiques bien différenciés métastatiques. Son efficacité reste toutefois limitée. Les thérapies ciblées, dont les anti-mTOR (évérolimus) et le sunitinib, offrent de nouvelles perspectives thérapeutiques. À côté des principaux facteurs de mauvais pronostic que sont le caractère peu différencié de la tumeur, le grade élevé et le stade métastatique, l'identification de certaines mutations somatiques permet-elle de participer à l'appréciation du pronostic de la maladie et d'orienter les choix thérapeutiques ?
Une équipe américaine de Baltimore a recherché des mutations somatiques en évaluant 18 000 gènes codant pour des protéines par le séquençage de l'exome dans des TNEP sporadiques. L'analyse a porté sur une première série de 10 tumeurs ; 157 mutations intéressant 149 gènes ont été identifiées (avec des différences par rapport à ce qui est observé en cas d'adénocarcinome pancréatique). Ont été sélectionnés les gènes appartenant à une voie altérée dans plus de 2 tumeurs : MEN1 (5 cas), DAXX (3 cas), PTEN et TSC2 (2 cas). Quoiqu'une mutation ne soit présente que dans une seule tumeur, les gènes ATRX et PIK3CA ont également été sélectionnés, compte tenu de leur appartenance respective aux voies DAXX et mTOR. Des mutations de ces 6 gènes ont alors été recherchées dans 58 autres tumeurs. Au total, les gènes le plus fréquemment mutés impliquaient des protéines jouant un rôle dans le remodelage de la chromatine : MEN1 dans 44 % des cas, DAXX dans 25 % et ATRX dans 18 %. Cliniquement, la présence de mutations des gènes NEM1 et DAXX/ATRX était associée à un meilleur pronostic, notamment dans les formes métastatiques. Ceci suggère l'identification d'un sous-groupe biologique spécifique. Des mutations de gènes de la voie mTOR étaient présentes dans 14 % des tumeurs. Ceci pourrait permettre d'identifier les patients susceptibles de bénéficier d'un traitement par les anti-mTOR.

Valeur pronostique de l'analyse du Ki67 dans les tumeurs endocrines
Anne Couvelard (Paris)

Yang Z, Tang LH, Klimstra DS. Effect of tumor heterogeneity on the assessment of Ki67 labeling index in well-differentiated neuroendocrine tumors metastatic to the liver: implications for prognostic stratification. Am J Surg Pathol 2011;35(6):853-60.

La détermination de l'index Ki67, dont la valeur pronostique a été confirmée par de nombreuses études, est un élément clé de la nouvelle classification OMS des tumeurs neuroendocrines (TNE) digestives. Des problèmes pratiques subsistent cependant et retentissent sur sa détermination, comme l'hétérogénéité intra- et intertumorale dans la distribution des cellules positives.
Dans cette étude, les auteurs ont testé l'hétérogénéité de l'expression du Ki67 dans les métastases hépatiques de TNE digestives et pulmonaires. Dans ce but, ils ont comparé, dans des métastases enlevées chirurgicalement, l'expression du Ki67 dans de petites surfaces tumorales correspondant à des biopsies "virtuelles" ou dans les coupes tumorales entières. Ils ont corrélé cette expression à la survie des patients.
Dans 47 % des cas, le Ki67 était hétérogène lorsqu'il était calculé dans les coupes entières, ce qui se traduisait par une différence dans le grade G1 ou G2 (aucune tumeur n'était G3). L'hétérogénéité était moins importante (16 % des cas) avec les biopsies, surtout pour les tumeurs G1 : les biopsies sont bien représentatives pour les tumeurs G1, mais beaucoup moins pour les tumeurs G2. En théorie, il faudrait un nombre plus important de biopsies pour identifier une tumeur de grade intermédiaire, cette étude confirmant qu'il coexiste souvent au sein de celle-ci des zones G1 et G2. Le grade était corrélé à la survie des patients, avec une meilleure efficacité si la valeur maximale de l'index (comparée à la valeur moyenne) était prise en compte, ce qui conforte la façon d'évaluer le marquage préconisée par l'ENETS et l'OMS.
La conclusion principale de cet article est que les biopsies sous-estiment le grade d'une métastase de tumeur neuroendocrine bien différenciée, faisant passer dans la moitié des cas les tumeurs G2 en G1 ; l'étude parallèle de la progression à l'imagerie est donc très importante pour évaluer le potentiel évolutif de la maladie chez ces patients.

Relations phénotype-génotype pour la mutation p.G533C
Régis Cohen (Bobigny)

Oliveira MN, Hemerly JP, Bastos AU et al. The RET p.G533C mutation confers predisposition to multiple endocrine neoplasia type 2A in a Brazilian kindred and is able to induce a malignant phenotype in vitro and in vivo. Thyroid 2011;21(9):975-85.

Récemment, l'American Thyroid Association a établi des recommandations indiquant le moment où l'on doit pratiquer la thyroïdectomie prophylactique et le type de chirurgie. Ainsi, les corrélations génotype-phénotype connues par le panel d'experts ont permis de stratifier les mutations en 4 niveaux de risque (de A à D).
Les auteurs ont été les premiers à identifier 2 familles grecques indépendantes porteuses d'une mutation RET p.G533C dans le domaine extracellulaire riche en cystéine, associée à la présence d'un phéochromocytome. Contrairement à la mutation 634, plus fréquente, on pensait qu'il s'agissait d'une mutation moins agressive se révélant tardivement.
Les auteurs de ce travail ont étudié de manière comparative cette mutation dans différents modèles in vitro et in vivo en confrontant les résultats aux connaissances cliniques.
Les plasmides mutants exprimant RET (p.G533C et p.C634Y) ont été transfectés et comparés dans une lignée de cellules de rats thyroïdiennes (PCCL3). L'expression de ces mutations dans ce modèle augmente significativement l'activation de la voie RET/MAPK/ERK à des niveaux similaires. De plus, la viabilité cellulaire p.G533C est augmentée et l'apoptose, réduite. Chez la souris nude, la mutation RET p.G533C détermine des métastases hépatiques.
Ainsi, ces résultats suggèrent que la mutation p.G533C a des effets similaires à ceux observés pour la substitution p.C634Y. La méthodologie exemplaire ouvre le chemin à d'autres études qui permettront de mieux apprécier les effets pathogènes de ces mutations. Malgré les recommandations, force est de constater que le niveau de preuve pour l'âge de la thyroïdectomie prophylactique n'est pas encore assez précis dans certains sous-groupes à faibles risques. De plus, cette étude offre de nouvelles perspectives sur le mécanisme associé à la pathogénie de ces tumeurs thyroïdiennes.

Mise au point sur...

Validation du rôle pronostique de la classification TNM (UICC/AJCC, 7e édition) pour les tumeurs neuroendocrines pancréatiques
Emmanuel Mitry (Paris), Jean-Yves Scoazec (Lyon)

L'équipe du Lee Moffitt Cancer Center de Tampa, en Floride, vient de publier (1) une analyse rétrospective réalisée sur 425 patients porteurs d'une tumeur neuroendocrine pancréatique (TNEP), non fonctionnelle dans 77 % des cas, dont l'objectif était de valider la nouvelle classification TNM proposée par l'UICC/AJCC dans sa 7e révision (2) et de la comparer à la classification TNM proposée par l'ENETS (3). Ces 2 classifications comportent quelques différences, résumées dans la figure. À noter que le grade histologique utilisé avec la classification UICC/AJCC ne correspond ni à celui proposé par l'ENETS, ni à celui validé par la classification OMS 2010. Les 2 classifications étaient significativement associées à la survie par stade. Pour la classification UICC/AJCC, les taux de survie à 5 ans pour les stades I, II, III et IV étaient respectivement de 92, 84, 81 et 57 % (p < 0,001). Pour la classification ENETS, ils étaient de 100, 88, 85 et 57 % (p < 0,001). En analyse multivariée, les facteurs pronostiques significativement associés à la survie globale étaient identiques quelle que soit la classification utilisée : le stade TNM, le grade anatomopathologique et l'âge. Les auteurs concluent que cette étude permet de valider la classification TNM proposée par l'UICC et que celle-ci peut être recommandée dans la pratique clinique. Elle confirme également, mais cela avait déjà été fait, la validité de la classification ENETS. Il n'y a pas actuellement de recommandations pour privilégier l'une ou l'autre de ces classifications, le Thésaurus national de cancérologie digestive (www.tncd.org) mentionnant d'ailleurs les 2.

Références bibliographiques
1. Strosberg JR, Cheema A, Weber J, Han G, Coppola D, Kvols LK. Prognostic validity of a novel American Joint Committee on Cancer Staging Classification for pancreatic neuroendocrine tumors. J Clin Oncol 2011;29:3044-9.
2. Edge SB, Byrd DR, Compton CC. AJCC cancer staging manual. 7e édition. Chicago, États-Unis: Springer; 2010.
3. Rindi G, Klöppel G, Alhman H et al. TNM staging of foregut (neuro)endocrine tumors: a consensus proposal including a grading system. Virchows Arch 2006;449:395-401.

Figure. Comparaison des classifications TNM UICC et ENETS (1).

  Classification TNM UICC Classification ENETS
T1 Tumeur limitée au pancréas, < 2 cm Tumeur limitée au pancréas, < 2 cm
T2 Tumeur limitée au pancréas, > 2cm Tumeur limitée au pancréas, 2-4 cm
T3 Tumeur dépassant le pancréas sans atteinte du tronc caeliaque ni de l'artère mésentérique supérieure Tumeur limitée au pancréas, > 4 cm, ou envahissant le duodénum ou les voies biliaires
T4 Tumeur envahissant le tronc caeliaque ou l'artère mésentérique supérieure Tumeurs envahissant les organes de voisinage
N0 Pas d'envahissement ganglionnaire Pas d'envahissement ganglionnaire
N1 Atteinte ganglionnaire Atteinte ganglionnaire
M0 Pas de métastases à distance Pas de métastases à distance
M1 Métastases à distance Métastases à distance

Stade T N M T N M
IA T1 N0 M0 T1 N0 M0
IB T2 N0 M0 T2 N0 M0
IIA T3 N0 M0 T3 N0 M0
IIB T1-3 N1 M0 T4 N0 M0
III T4 N0-1 M0 Tous T N1 M0
IV Tous T Tous N M1 Tous T Tous N M1

 

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